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Lectures
2 avril 2021

Tableau noir

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« Tableau noir »

LESBRE Michèle

(Sabine Wespieser)

 

Le vieux Lecteur aima l’Ecole et son tableau noir. Le vieux Lecteur prend plaisir à fréquenter Michèle Lesbre. Il n’avait donc aucune raison de se laisser déborder préalablement par des réticences qui s’avéreraient infondées dès son immersion dans les premières pages du récit. Lequel récit s’ouvre bien vite sur un éclairage que le vieux Lecteur ressent l’urgente nécessité de faire sien.

« Comme tous les enfants, j’aime les rituels de la classe, les règlements, tout ce qui construit le temps et les activités de la journée. C’est notre monde, un monde codé, différent de celui de la maison mais tout aussi nécessaire. Nous portons des tabliers, ils n’ont plus cours depuis bien longtemps. L’école est un peu le début de l’autonomie, quelque chose d’important se vit en dehors des parents, on ne dit pas tout en rentrant le soir. J’aime les maîtresses, leurs singularités, je les aime élégantes, je les dessine. Jaime le chignon blond et le maquillage de madame T. Je ne les imagine pas en dehors de l’école et lorsque, par hasard, je les vois dans la rue, au marché, je suis troublée par tout ce que j’ignore d’elles. Plus tard, lorsque mes élèves me surprendront dans des situations de la vie ordinaire, je lirai dans leur regard le même trouble, la même sidération. »

Le vieux Lecteur a gardé et garde encore un souvenir ému de ses maîtres. Le vieux Lecteur qui a certes dévié, qui déserta très tôt la matrice originelle, celle de l’école de la République. A la différence de Michèle Lesbre, il n’enseigna. Mais l’école lui est toujours restée comme le cœur, l’organe vital de son émancipation. Et qu’en l’observant telle qu’elle se laisse voir aujourd’hui, il ne peut que partager l’effarement et la colère qui sont celles de l’ancienne institutrice puis directrice d’école maternelle.

« Dans l’école de la confiance du ministre actuel, j’entends tout le mépris pour les enseignants, cette façon perverse qui consiste à faire des parents des clients. Je connais la vieille rengaine de l’échec scolaire attribué aux seuls maîtres, une bande d’incapables qu’on voudrait, aujourd’hui, transformer en simples exécuteurs de programmes informatiques. Ce qui reste de mes souvenirs d’école, ce sont les visages et les voix de mes institutrices lorsque j’étais enfant, les visages et les voix des enfants que j’ai croisés pendant ma carrière, cette irremplaçable expérience humaine. Rien, et surtout pas les machines, ne peut replacer ces relations. Alors je suis effrayée de lire ce que monsieur Blanquer raconte à un journaliste : « Il existe des exercices en Chine, mais aussi en France, où un enfant apprend à écrire une lettre, un signe, et l’ordinateur, par une petite caméra, voit la qualité de ce signe. »

C’est sans doute ce qu’il appelle l’école de la confiance. Il est vrai que les machines ne font pas la grève, comme l’a écrit Sylvain Prudhomme dans une chronique pour Libération. »

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