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Lectures
20 février 2024

Le café sans nom

nom

 

 

 

 

 

 

 

« Le café sans nom »

SEETHALER Robert

(Sabine Wespieser)

 

« … Le pauvre homme. Fragile, tremblotant. Qui se faufile à pas furtifs comme son ombre en personne. Alors qu’il y a en lui comme une tendresse cachée. Il a été solitaire toute sa vie, solitaire mais fier, un homme sans histoires, et sympathique avec ça. Il a été nazi, on prétend que, après la guerre, il aurait redressé sa croix gammée avec une clé de plombier pour lui donner la forme de la croix du Christ. Ça ne veut rien dire, un Viennois sur deux est nazi. Où est-ce qu’ils seraient tous passés sinon ? »

Ce pauvre homme, c’est le propriétaire de l’immeuble au rez-de-chaussée duquel Robert Simon a repris le bar qui tombait en désuétude. Un propriétaire en faillite, quasi moribond. Un café auquel Robert Simon, aidé par Mila, la serveuse, avait rendu un certain lustre. Un café fréquenté par les gens du voisinage, dont le boucher, Johannes Berg, qui est devenu son ami. Qui profite de sa proximité avec le marché. L’offre y est limitée : du café, du thé, deux ou trois vins, du punch en hiver, des tartines de saindoux accompagnées d’oignons le midi. Du frugal. Mais avec le plaisir de se retrouver, de bavarder, d’échanger sur les petites choses de la vie. Un plaisir qui se concrétisera lors de la petite fête suggérée par Mila et qui marquera l’anniversaire de l’établissement. Avant que ne survienne la catastrophe : la faillite du propriétaire et l’obligation faite à Robert Simon de mettre la clef sous la porte. La rapacité des spéculateurs. Les violences ordinaires commises par les puissants sur le compte de ceux et celles qui ont si peu ou presque rien.

La foule des personnages ordinaires qui fréquentent le bistrot ou qui peuplent l’œuvre du Romancier. A commencer par sa logeuse, une veuve, presque aussi démunie que lui. Celles et ceux qui s’arrêtent un instant ou quelques heures pour boire un verre et grignoter une ou deux tartines. A l’intérieur de l’antre chaleureuse en hiver, à la terrasse lorsque reviennent les beaux jours. Les paumés. Les exploités. Les marges sociales d’une ville en plein bouleversement, une ville que Robert Seethaler dépeint par petites touches qui en laissent deviner la brutalité des bouleversements. Le fleuve qui offre comme une échappée vers d’inaccessibles rêves. Un monde que l’on a parfois voulu changer mais auquel on se résigne. A l’instar de Mila, la serveuse, et sa relation tumultueuse avec René, un catcheur en fin de carrière.

Un roman dont les vibrations ont profondément touché le vieux Lecteur. Un roman d’une écriture qui accroche, qui retient celle ou celui qui s’y immerge. Un roman sur la vraie vie, peuplé de gens authentiques, ce qui ne les prive pas d’un bel habillage poétique.  

(Le vieux Lecteur gardait un excellent souvenir de ses deux précédentes rencontres avec Robert Seethaler, Une vie entière et Le champ, deux romans également publiés par Sabine Wespieser.)

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