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Lectures
9 septembre 2023

Il n'y aura pas de sang versé

sang

 

 

 

 

 

 

 

 

« Il n’y aura pas de sang versé »

DESBIOLLES Maryline

(Sabine Wespieser)

 

Un roman qui lui permit de retrouver la Romancière qu’il avait si souvent appréciée. Une romancière publiée cette fois par Sabine Wespieser, une Editrice qui ne l’a jamais laissé indifférent et dont le catalogue, pour limité qu’il soit, recèle de véritables trésors.

L’histoire de quelques femmes, ouvrières (les ovalistes) dans les ateliers des soieries lyonnaises, des femmes qui, au mitan du 19° siècle, vont se rebeller non seulement contre les conditions de travail que le patronat leur impose, mais aussi lutter pour un vivre mieux et plus dignement, elles qui sont parquées par ce même patronat dans des asiles infâmes où toute forme d’intimité leur est interdite (et sous le contrôle des bonnes sœurs et des curés). Des femmes qui vont inventer la lutte collective et la grève, des femmes bien entendu analphabètes qui ont besoin de l’aide du scribe pour mettre en forme l’expression de leurs revendications. Des femmes dont le combat débouchera sur quelques avancées mais aussi de cruelles désillusions. Mais qui mirent en mouvement la classe ouvrière au sein de laquelle la gent masculine entendait demeurer en première ligne.

Un beau roman. A la Desbiolles. Que le vieux Lecteur fut heureux de retrouver au lendemain d’une brouille passagère. Un beau roman, à la musique singulière, symphonique si tant est que ce mot ait encore du sens aujourd’hui.

« Avec notre quatuor nous infiltrons l’orchestre. Nous ne connaissons pas la musique. Avec nos quatre relayeuses, nous chantons les yeux fermés. Elles nous conduisent vers la foule des femmes en grève, la foule des ovalistes, dans les deux mille, deux mille femmes au moins, deux mille ovalistes, deux mille femmes ovalistes, et pas pour s’y diluer, se fondre dans la foule comme on dit, jamais peut-être elles n’auront été autant elles-mêmes que ces jours et ces nuits-là, des mois de juin et juillet 1869, si être soi-même consiste à se mêler, à parler fort, à être d’accord, à ne pas être d’accord, à rire, consiste à marcher sans se presser dans la rue, au milieu des autres, à marcher dans la rue de nuit, à envahir les cafés, pas en famille, pas discrètement en tête-à-tête, à tenir table comme à tenir tête, à sortir des ateliers, des dortoirs, de soi, être soi-même en sortant de soi, consiste à éprouver ce que nous ignorons, une ferveur ? une joie ? la joie et la peur de trahir, les parents, les patrons ? un déchirement ? une rage ? un allant ? consiste à reconnaître pareils sentiments, à se reconnaître. »

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