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Lectures
5 octobre 2022

Baiser ou faire des films

baiser

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Baiser ou faire des films »

KRAUS Chris

(Belfond)

 

Le Lecteur a laissé ce roman en attente plus d’un an après son acquisition. Le Lecteur n’aimait pas le titre. Trop racoleur à ses yeux (même si l’intitulé se retrouve dans les premières pages du livre). Si éloigné du titre original, en langue allemande. Sommerfrauen Winterfrauen. Mais au cours des derniers jours de l’été (der Sommer), il s’est hasardé, il a lu les premières pages avant de s’immerger dans ce roman qui ne dépare pas de celui qui l’avait mis en contact avec Chris Kraus, La fabrique des salauds.

Une histoire somme toute banale. C’est ce qu’affirme Puma Rosen dans la courte préface qui explique le pourquoi de l’édition des archives laissées par son père récemment décédé. « Dans ses archives qui n’intéressaient personne, ni femme d’été ni femme d’hiver, et encore moins ma mère, j’ai trouvé trois vieux journaux intimes jaunis… les évènements – en soit insignifiants, pour ne pas dire banals, mais singuliers et, en ce qui me concerne, existentiels au sens propre du terme – de cette fin d’été 1996 que j’y ai trouvés relatés et qui m’étaient jusque-là totalement inconnus ont fini par déboucher sur ma naissance. C’est par la mort de papa que les circonstances précises de mon arrivée en ce monde m’ont été révélées. »

Papa. Automne 1996. Papa s’envole pour New York en compagnie d’autres jeunes gens qui, comme lui, étudient l’art cinématographique. Jonas (Papa) est au seuil de la trentaine. Lui et ses compagnons ont l’intention de tourner des films d’avant-garde sur Eros et sur le désir.

Cette histoire somme toute banale additionne et entremêle deux récits. D’une part la découverte par ce jeune allemand d’une ville gigantesque. « A New York, on vit dans une artère de plusieurs kilomètres où s’écoulent des flots de sang, d’ordures, de souvenirs et de merde. » Et en second lieu, sa tentative ô combien ardue de réaliser les court-métrages qui sont la raison première de son séjour américain. Sauf que Jonas est allemand et qu’il ne lui est pas possible de s’        affranchir de ce que fut l’histoire de son pays, donc de sa propre famille. D’autant plus compliqué qu’au cours de son séjour, il fait la connaissance de celle qui se présente comme sa « tante ». Une vieille dame, Juive. Paula. Qui n’échappa à la « solution finale » que grâce à l’intervention d’un nazi « bon » teint, le grand-père de Jonas.

Chris Kraus a réussi à entraîner le Lecteur dans ce récit où Jonas endosse à la fois le costume de la victime et celui du bourreau. La victime des femmes, celle de l’été et celle de l’hiver, qu’il ne parvient pas à aimer et face auxquelles il s’installe dans une dérobade permanente. Le bourreau, puisque le fantôme du grand-père s’accroche à ses basques et reste omniprésent. Au point de reléguer New York au second plan, malgré la fascination qu’exercent sur le jeune cinéaste quelques-uns des principaux acteurs de la Beat Generation.

La « nouvelle » littérature allemande (celle que l’édition française publie) - dont Chris Kraus est peut-être un des protagonistes majeurs -  s’affranchit des tabous et se confronte sans ambigüité à la question du nazisme. Ce qui est rassurant aux yeux du vieux Lecteur.

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