L'inquiétude d'être au monde

« L’inquiétude d’être au monde »

DE TOLEDO Camille

(Points 5521)

Une première rencontre avec Camille de Toledo voilà un peu plus d’un an. Thésée, sa vie nouvelle. Une première rencontre qui enthousiasma le vieux Lecteur. Un enthousiasme qui se confirme dans cette seconde rencontre. L’inquiétude d’être au monde, un texte suivi de Sur une île, les deux formant en ensemble cohérent. D’une âpreté qui tient en éveil, qui contraint à s’interroger sur ce qu’il advient de ce monde qui n’est nôtre que par usurpation et de cette malheureuse humanité qui se laisse entraîner vers son anéantissement.

« Ce fut le vingtième siècle !

Chair, matière, industrie, fabrique

inversée de la civilisation.

De l’être cultivé, juif ou non-Juif,

Noir, Blanc, femme, Tsigane ou impurs,

de l’être raffiné, comprenez de nous,

les mélangés, les brassés,

produits imparfaits de l’Europe nationale,

vers la matière première.

Et ce qu’il reste après :

Cheveux, ongles, or, coussins

de nos pères et mères. Trous de l’Europe,

trous et mares des corps de soldats.

Charniers vifs ou disparus,

fronts inutiles et vains, trous péniblement comblés

par des mémoriaux anthracite.

Stèles de mémoire dressées aux quatre coins

de ce vieux continent.

L’Europe après le vingtième siècle,

c’est l’histoire d’un comblement.

Et aussi un refrain que nous récitons. »

Ces textes font bien plus qu’interpeler : ils éclairent à travers la mémoire des tragédies passées les tragédies des temps à venir. C’est l’inquiétude qui ronge l’âme.

« Temps ovidiens de l’incertitude,

du déplacement et de l’hybridation,

où chaque mot est impropre,

trop rigide, trop solidement accroché

aux vieilles catégories.

Le haut, le bas. Le commencement et la fin. »

Une rencontre essentielle, une rencontre majeure pour le vieil homme qui observe l’émergence du désespoir comme seule donnée commune à l’ensemble des humains.