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Lectures
6 octobre 2017

Frères migrants

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« Frères migrants »

CHAMOISEAU Patrick

(Seuil)

 

« Ici, au près (presque si loin), on disperse, on punit à coups de garde à vue, on entasse des pierres et on scelle des barrières sur les espaces offerts aux dernières lassitudes ; là-bas (presque si près), les garde-côtes, les garde-murs, les garde-frontières – gardes-vies gardes-morts ! – n’en peuvent plus de ne pouvoir contenir !... Les flux ont la vitalité d’un commencement biblique, ils enflent sans s’être amorcés, ils recommencent sans avoir ralenti et avant même d’avoir pu s’arrêter… Quelquefois, des gardes-misères mitraillent à vif et au hasard, et souvent ils torturent sous l’exaspération, et quand ils se retrouvent acculés aux confins de leur propre conscience, ils pleurent sans trop comprendre pourquoi !... »

Un livre qui ne se commente pas. Un livre dont le Lecteur ressent l’impérieuse nécessité de reproduire chaque mot, donc chaque phrase. Ce qu’il ne fera évidemment pas. Un livre nécessaire. Non pas pour après-demain, mais pour aujourd’hui même, dans les minutes qui suivront pour vous la découverte de cette note.

Patrick Chamoiseau délivre un réquisitoire dans la grande et belle tradition des Lumières, un réquisitoire qui exige la condamnation sans appel de ceux qui enclosent les nations prospères derrière des monceaux de barbelés afin d’en interdire l’accès à nos frères migrants. Patrick Chamoiseau en appelle à l’humanité. Son réquisitoire ne constitue pas un repli, une banale façon normative de condamner l’aveuglement et l’égoïsme. Il s’ouvre sur une Déclaration, la Déclaration des Poètes dont la lecture devrait être rendue obligatoire par tous les élèves des collèges de France.

Une Déclaration dont l’article 5 spécifie : « Les poètes déclarent qu’aller-venir et dévirer de par les rives du monde sont un Droit poétique, c’est-à-dire : une décence qui s’élève de tous les Droits connus visant à protéger le plus précieux de nos humanités ; qu’aller-venir et dévirer sont un hommage offert à ceux vers qui l’on va, à ceux chez qui l’on passe, et que c’est une célébration de l’histoire humaine que d’honorer la terre entière de ses élans et de ses rêves. Chacun peut décider de vivre cette célébration. Chacun peut se voir un jour acculé à la vivre ou bien à la revivre. Et chacun, dans sa force d’agir, sa puissance d’exister, se doit d’en prendre le plus grand soin. »

Un livre nécessaire. Pour qui entend affirmer son humanité. «… la paix capitaliste et financière n’est pas la Paix. Elle est fourrière d’une barbarie qui domestique les barbaries anciennes sous l’arche des « mœurs douces » où fricotent les banquiers, les affairistes et les marchands. Au fil de son triomphe, cette barbarie perd de son invisibilité, voit surgir ses basses-fosses et déborder ses cales, se révèle en finale tout aussi virulente qu’une vieille arche de Noé où se concentreraient à des degrés divers toutes les virulences qui avaient existé… Ho ! que les morts massives en Méditerranée nous dessillent le regard ! Qu’elles nous permettent de distinguer les petites morts du quotidien, le désastre disséminé dans l’écume de nos jours, l’innommée catastrophe dont l’ombre en chiquetaille pèse à fond parmi nous de tout son impossible !... »

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