Les neuf consciences de Malfini
"L'identité est devenir toujours, c'est en cela
qu'elle pérennise.... L'Autre c'est toute présence individuée ou
collective, connue ou encore inconnue.... Toute présence a droit à sa plénitude, donc à
son opacité.... Aucune présence ne saurait se penser seule,
s'épanouir seule, ni en dehors d'une vision de l'horizontale
plénitude...... La seule limite à la plénitude d'une présence
est la plénitude d'une autre, et la perspective de l'horizontale plénitude du
vivant...."
"Les neuf consciences de Malfini"
de Patrick CHAMOISEAU (Gallimard).
"Que vivent les croyances! Que
fleurissent les histoires! Que reviennent les légendes! Qu'elles aillent au gré
de leur propre légèreté et nous laissent la beauté. Pour moi, nous étions de
toute manière dans ce mouvement, au coeur de cet indébrouillable de la vie qui
lui donnait son énergie. Notre part - riposte ou résistance, imitation, partage
- était sans doute la plus insignifiante, mais, par là même, la plus précieuse,
la plus immense et tout autant la plus puissante." Ainsi parle Malfini, le
grand rapace, au terme de son aventure initiatique parmi les colibris, dans
l'environnement de Foufou, le plus énigmatique de ces minuscules oiseaux. Le
Lecteur s'émerveilla tout au long de sa découverte du roman de Patrick
Chamoiseau. Il reste sous le charme d'une fable allégorique qui redonne sens et
couleur à la vie, qui suggère les pistes à emprunter pour qui ressent l'urgence
de se désentraver des conformismes. Patrick Chamoiseau a, une fois encore,
subjugué le Lecteur. Dans ces temps de confusion, les mots du Poète aident, pour
qui veut bien les entendre, à démêler le vrai du faux.
PS/ Le Lecteur vient de refermer le prodigieux roman de Richard POWERS "La chambre aux échos".
Il en en rendra compte dans sa prochaine chronique.
Mais avant de transmettre celle-ci, il se reproche déjà de ne pas accorder à Patrick CHAMOISEAU tous les mots capables de traduire le respect et l'admiration.
Alors, à sa façon un peu désinvolte, il codicille.
Un quart de siècle (ou à peu près?) qu'il s'émerveille le Lecteur. Depuis les "Chroniques des sept misères", depuis "Texaco", depuis "L'éloge de la créolité".
Ebloui.
Lui qui se ratatine dans l'une de ces provinces dont l'agonie, au bout du compte, le laisse indifférent.
Lui qui ne reconnaît guère dans littérature française contemporaine que Le Clézio et Modiano.
C'est de tout là-bas, de ces îles lointaines qu'il n'aura jamais l'occasion de fréquenter, que lui sont venues ses plus vives et ses plus belles émotions littéraires.
Dans l'univers somme toute étroit de la littérature de langue française.
Cela commença avec Aimé Césaire et Frantz Fanon.
Comme si, dans sa tête à lui, le Lecteur, les deux hommes étaient indissociables: le poète et dramaturge d'un côté, l'analyste de l'autre, mais si proches l'un de l'autre, si assimilables l'un à l'autre.
(Merci à vous Frantz Fanon, d'avoir décillé le regard d'un jeune homme en ces années de guerre, lorsque l'Homme Révolté étouffait son cri et voilait son regard afin d'ignorer les crimes, l'abjection, la barbarie, toutes résultantes des colonialismes.)
Cela se poursuivit (et se poursuivra encore) avec Edouard Glissant.
Cela continue, depuis donc un quart de siècle, avec Patrick Chamoiseau.
Quatre hommes, quatre écrivains qui l'ont assisté, guidé, épaulé, le Lecteur,dans la construction de ses identités qui sont tout sauf nationales.