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Lectures
12 février 2018

Encore vivant

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« Encore vivant »

SOUCHON Pierre

(Le Rouergue)

 

Tenter de faire abstraction de ce que Pierre Souchon brandit de manière ostentatoire dès les premières pages de son roman. La Maladie. Celle qui lui valut de longues périodes d’hospitalisation chez les « fous ». La bipolarité. Ce que les maîtres en psychologie appelaient autrefois le syndrome maniaco-dépressif. Ce dont se souvient si mal le vieux Lecteur. Donc résister à la tentation. Refuser, en quelque sorte, de se laisser enfermer dans le piège que met en place Pierre Souchon. Y compris lorsqu’il brosse un tableau quasiment apocalyptique des hôpitaux psychiatriques.

« J’en étais sorti. Avec la rage immense au ventre, terrible aux tempes – jamais, jamais je n’y retournerais. Lucas dort maintenant, et allongé sur mon lit, j’entends les cris. Je les sais tous. Et tous les cris de la littérature ne servent à rien pour les dire, les cris d’effroi, de désespoir, de détresse, ceux qui déchirent le silence, tous les longs cris, les cris aigus, les cris stridents, les cris de douleur. Les nôtres tissent une solidarité nocturne de l’horreur, celle de nous être perdus, celle de savoir qu’on ne sera plus. Nous sommes vaincus à nous en arracher la gorge. »

Il y a donc ce volet-là. D’un réalisme saisissant, effrayant parfois. Mais il y a surtout l’autre volet, la narration d’un combat pour la vie. L’histoire d’un enfant surdoué qui, lorsqu’il atteint à l’âge d’homme, alors qu’un brillant avenir s’ouvre de lui, est soudain anéanti par la maladie. Dont il se délivre une première fois. Mais qu’il n’a pas terrassée. Malgré l’entrée dans la vie professionnelle. En dépit d’un mariage de haut standing. La seconde confrontation à l’institution. Le combat recommencé dans l’environnement des personnels hospitaliers, psychiatres et infirmiers entre autres. Avec la constante, la rassurante, l’affectueuse présence du père. Dit Manoust par Chichi, lui, le narrateur. Lumineuse présence. Complicité de quasiment tous les instants.

Et puis il y a le monde de l’enfance, le monde rural, ses parfums, ses couleurs, sa densité. Ce monde que d’autres abîment, que d’autres détruisent, plus qu’il ne meurt de ses propres insuffisances. Il y cette société au sein de laquelle les Puissants exercent une violence sans limite à l’encontre des Humbles. Donc la colère. Donc l’indignation. Donc la révolte. L’envie de tout foutre en l’air. Ce beau récit/témoignage sur le non-renoncement devient, au fil des pages, un superbe moment de littérature. Qui fait bien plus qu’émouvoir. Qui ranime la petite flamme vacillante. Qui insuffle de prodigieuses quantités d’air pur. Qui colore de rouge sang les rêves les plus insensés.

« … personne n’échappait à mon statut d’ex-aliéné que j’exhibais comme un trophée – j’avais triomphé de l’enfermement, j’avais trempé dans cette exclusion mon engagement pour tous les opprimés. Ici, le soir, autour du sanglier qu’on découpait et du vin qu’on buvait, cette fierté était ravalée. Tous les chasseurs le savaient dans un non-dit partagé, et c’était une sale marque, cette affaire d’asile, comme un stigmate… »

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