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Lectures
21 décembre 2017

Les huit montagnes

cognetti-les-huit-montagnes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Les huit montagnes »

COGNETTI Paolo

(Stock)

 

Le vieux Lecteur se prit de passion pour la montagne un soir de « Conférence du Monde » dont l’invité était Frison-Roche. Sans doute au tout début des années cinquante de l’autre siècle. Cette passion ne l’a jamais quitté. Même lorsqu’il déserta rochers et glaciers pour se consacrer à l’escalade cycliste des cols des Alpes du Sud. Il se pourrait donc que cette passion l’ait en quelque sorte induit en erreur, qu’il ait surestimé ce roman sous le fallacieux prétexte que ses personnages, des Dolomites jusqu’au Val d’Aoste en passant par l’Himalaya, soient des gens de la montagne, installés dans des paysages tous plus fabuleux les uns que les autres. Et qu’il ait gravi, derrière Pietro et Bruno, en tant que voyageur immobile, certains des sommets qui furent familiers aux deux personnages principaux.

« Ca faisait des lustres que je n’avais pas marché au-dessus de la ligne des arbres. Je ne m’y étais jamais aventuré seul mais j’avais dû aller à bonne école, puisque je me déplaçais sans peine sur la pierraille. Je voyais un cairn plus haut et marchais dans sa direction, passant d’une pierre à une autre, suivant un instinct qui me faisait préférer les grands blocs stables aux branlants. Je trouvais une qualité élastique à la pierre, qui, au lieu d’absorber les pas comme le font la terre ou l’herbe, renvoyait l’énergie dans les jambes, donnait au corps l’élan de continuer. Une fois posé le premier pied sur les rochers, en m’élançant vers le haut et en faisant basculer mon poids vers l’avant, l’autre n’eut de cesse d’aller plus loin, si bien que je me mis à courir et sauter, et à arrêter de contrôler le mouvement de mes jambes, et à les laisser aller toutes seules. Je sentais que je pouvais compter dessus, et qu’elles ne me tromperaient pas… »

Le vieux Lecteur retrouva donc mieux que des sensations, cette sorte d’euphorie que fait naître le cheminement vers ce qui d’en bas paraissait être l’inaccessible. Mais s’il a aimé ce roman, s’il s’est délecté à le parcourir, c’est qu’il raconte une belle histoire humaine, celle d’une amitié qui nait dans le Val d’Aoste entre deux enfants, celui du pays, Bruno, fils de paysans, et celui de Turin, Pietro, que ses parents passionnés eux aussi de montagne ont introduit dans ce milieu préservé des dérives qu’induit « l’industrie » touristique.

Vingt ans plus tard, Pietro et Bruno se retrouvent. Bruno le paysan, animé par la farouche volonté d’élever quelques vaches et de produire ses fromages comme le faisaient ses aïeux. Sans nostalgie frelatée ni faux semblants. Et Pietro, en quête d’identité, hanté par le souvenir de son père qui l’avait initié à la montagne. Dans un monde en marche vers son apparente modernité. Deux marginaux, en quelque sorte, mais riches d’humanité. Qui confèrent au roman une dimension dramatique hors du commun.

« Un homme aux moustaches blanches me raconta que c’était une façon pour lui de repenser sa vie. C’était comme si, en empruntant chaque année le même sentier, il se replongeait dans ses souvenirs et remontait le cours de sa mémoire. Il venait de la campagne, comme mon père, même si la sienne était celle des rizières entre Novare et Vercelli. De la maison où il était né, il voyait le mont Rose au-dessus de la ligne des champs et, depuis tout petit, on lui expliquait que c’était là-haut que l’eau naissait : l’eau qu’il buvait, l’eau des fleuves, l’eau pour irriguer les rizières, toute l’eau qu’ils utilisaient venait de là ; et tant que le glacier resplendirait à l’horizon, ils seraient à l’abri des problèmes de sécheresse… »

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