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Lectures
29 novembre 2017

Ecrire pour sauver une vie

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« Ecrire pour sauver une vie »

WIDEMAN John Edgar

(Gallimard)

 

Voilà, sans la moindre concession, une représentation de ce qu’est le rêve américain. A travers un récit qui puise dans l’histoire de l’Auteur, une histoire qui se confond avec celle du pays dans lequel ses ancêtres n’avaient évidemment pas choisi de vivre. Un pays où aujourd’hui encore nombre de blancs considèrent les afro-américains comme des hôtes indésirables (y compris le fou furieux qu’une importante majorité d’entre eux vient d’élire président).

1955. Wideman, alors adolescent, découvre dans un journal la photo du visage d’Emmet Till, un garçon de son âge, noir comme lui. Assassiné. Assassiné par de « petits » blancs. Dans le Mississipi où il rendait visite à sa famille et où il aurait eu l’outrecuidance d’interpeller une jeune fille blanche. Les assassins furent acquittés. Son père, Louis Till, enrôlé dans l’armée US à la fin de la seconde guerre mondiale, n’avait-il pas été pendu, accusé qu’il fut alors du viol, en Sicile, de femmes italiennes ? Donc une hérédité de violence, chez Hemmet, puisque le père avait commis l’innommable et qu’à ce titre il avait été condamné à mort. Une affaire révélée, à la suite de fuites organisées, lors du procès des assassins de l’adolescent.

Ces deux affaires sont décortiquées par John Edgar Wideman non pas dans une optique policière mais avec la volonté d’essayer de comprendre ce que sont les ressorts d’un racisme qui est une constante dans l’histoire des USA. Bien au-delà de l’esclavage. Avec des caractéristiques qui perdurent aujourd’hui encore. Et qui de toute évidence font beaucoup plus qu’inquiéter l’Ecrivain.

Le réquisitoire est saisissant. Le Lecteur, bouleversé, endolori, a accompagné l’Ecrivain tout au long de sa longue quête, lors de ses investigations. Plus incrédule, infiniment plus incrédule que l’Ecrivain lorsque celui-ci mit sous ses yeux les documents qui démontrent que la question raciale est le cancer qui affecte durablement la société américaine. Un livre qui fracasse, et pour de bonnes et utiles raisons, l’illusion du rêve américain, un livre qui réveille et qui contraint à regarder cet univers américain  et ses effrayantes réalités.

« Celui qui se tiendrait à côté de la tombe de Louis Till aujourd’hui, qu’entendrait-il ? Sans doute pas les pleurs que je gardai au fond de moi. Entendrait-il le sang ? Le flot sonore du sang, un fleuve qui divise l’humanité. Le sang des crimes commis en Italie. Des crimes commis dans le Mississipi. DSang profond. Sang coupable. Sang de Till. Preuve éclatante, criante dans le silence de la parcelle E. Till père condamné dès la naissance par son sang foncé. Orphelin que personne ne réclame. Origine inconnue. Sans doute pas tout à fait humain. Un animal à enfermer, dompter, exploiter, abattre. Le sort du fils ne diffère à peine. Son crime : une fausse innocence. Le sang jeta son dévolu sur Emmet Till. Sa vie fut abrégée pour démontrer ce que le sang clair doit être prêt à faire s’il veut que la blancheur perdure. Croisse et prospère sans être altérée. »

Le Lecteur frissonne encore.

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