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Lectures
27 novembre 2017

Le Jour d'avant

9782246813804-001-T

 

 

 

 

 

 

 

 

« Le Jour d’avant »

CHALANDON Sorj

(Grasset)

 

Superbe et vibrant hommage à la classe ouvrière et tout particulièrement aux Gueules Noires. Tout empreint d’émotion et de colère. Un roman qui prend pour point de départ la mort (l’assassinat ?) le 27 décembre 1974 de quarante deux mineurs dans les profondeurs de la fosse Sant-Aimé de Liévin. Un drame que le Lecteur n’avait pas oublié. Tant il lui parut avéré que les Charbonnages de France avaient envoyé à la mort quarante deux jeunes hommes en négligeant la présence (avérée) de grisou dans les galeries où s’effectuaient les derniers travaux d’exploitation du charbon.

L’artifice dont fit usage Sorj Chalandon pour construire ce roman suffit-il pour le discréditer ? L’interrogation du Lecteur résulte de deux critiques successives, diffusées sur les ondes des radios de service public, critiques qui visaient prioritairement à banaliser « Le Jour d’avant ». Deux critiques qui donnèrent au Lecteur l’impression que se menait contre l’Auteur une lâche campagne de dénigrement. N’est-il pas en effet malséant dans la France macronisée, en l’an de grâce 2017, de rendre hommage au monde ouvrier ? Dans cette France « apaisée », débarrassée une fois pour toutes, de cette classe qui eut l’outrecuidance, durant tant de décennies, de mener des luttes frontales contre le capitalisme ?

Le roman de Sorj Chalandon n’est certes pas une œuvre « parfaite ». L’intrigue parasite peut-être l’hommage ou, tout au moins, en édulcore la portée. Encore faut-il, pour affirmer cela, considérer qu’il serait vain que le Narrateur ait brouillé les pistes en s’inventant une histoire sur les causes réelles de la mort de Joseph, son frère ainé, lequel Joseph aurait pu être la 43° victime de ce qui fut appelé « la catastrophe » de Liévin. Un procès que le Lecteur s’interdit d’instruire.

Car il a vibré le Lecteur. Son émotion perdure deux semaines après qu’il ait refermé le livre. Lequel lui a fait retrouver une partie du monde à la marge duquel il vécut son enfance et son adolescence. Restent gravés en sa mémoire les phrases d’adultes s’adressant à des petits d’homme et qui les menaçaient de l’enfer. « Si tu ne travailles pas bien à l’école, tu iras à la mine. » Les tréfonds de la terre. Ou bien encore, au pays d’Ardenne qui était alors celui du Lecteur, au cœur du brasier des fonderies.

Le Lecteur déteste et méprise les prix littéraires. Mais en cet an de grâce 2017, il ferait, s’il en avait le pouvoir, une exception pour le roman de Sorj Chalandon.

« Non, je ne serai pas mineur. Jamais. Je venais de le décider. Depuis des années, sans que tu le saches, Jojo, sans en parler aux parents, à Sylwia, aux copains, j’avais imaginé de te rejoindre au fond. Tu aurais protesté. Tu avais peur pour moi, Jojo. Mais je t’aurais parlé. Je t’aurais convaincu. Nous aurions persuadé maman, papa, calmé les frayeurs de l’une et la fierté de l’autre. Elle me voulait étudiant, il m’espérait aux champs. Mais vous auriez accepté. Je le sais. J’aurais quitté le lycée à dix-sept ans, je serais entré en formation comme toi, à l’école de la taille. J’aurais été ton apprenti, puis aide-mineur, puis homme.

Je ne serai pas mineur. C’était fini… »

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