Dans la grande nuit des temps

« Dans la grande nuit des temps »

MUNOZ MOLINA Antonio

(Seuil)

Qu’écrire ? Si ce n’est que ce roman est un monument de la littérature contemporaine. Aux yeux du Lecteur, bien entendu. Lequel fut emporté par la narration de la Tragédie au terme de laquelle l’Espagne s’enferma durant près de quarante ans dans une sorte de sarcophage. Mais ce roman-là n’est pas un roman de plus sur la Guerre d’Espagne : il est le roman de la Guerre d’Espagne, cette guerre qui cristallise en elle toutes les autres guerres intra européennes du 20° siècle. Il ne raconte pas l’Histoire, il s’immerge en elle, à travers la rencontre d’Ignacio et de Judith. Lui, architecte, républicain et même socialiste. Elle, américaine qui voyage en Europe grâce au petit pécule que lui laissa sa mère et qui se retrouve enfermée dans Madrid où s’affrontent ceux qui auraient dû combattre ensemble les armées de Franco. Leur histoire d’amour dans le tumulte d’alors, quand chacun s’essaie à survivre, à se prémunir contre une violence dont on ne sait trop d’où elle vient ni ce qui la motive. Judith quittera l’Espagne pour regagner son pays, les Etats-Unis. Ignacio fuira l’Espagne pour gagner les Etats-Unis. Le reste, tout le reste, l’avant, le pendant et l’après ne se résume pas dans les quelques lignes des notes auxquelles se contraint le Lecteur.

Il n’est rien de plus urgent que de s’immerger dans ce roman-là. Pour qui s’évertue à comprendre non point tant le sens des grandes tragédies que le rôle qu’y jouent celles et ceux qu’elles emportent et finissent par broyer. Le Lecteur précise enfin que ce roman offre un des plus saisissants, un des plus remarquables personnages féminins de la littérature contemporaine : celui de Judith Biely. Il y avait bien longtemps que le dit Lecteur n’avait ressenti un tel bonheur à tenir un livre entre ses mains, à le respirer avant que d’en relire les premières lignes.