J'ai réussi à rester en vie

« J’ai réussi à rester en vie »

OATES Joyce Carol

(Philippe Rey)

Le plus étrange, le plus intime des livres de Joyce Carol Oates. Un récit qui narre la mort de Raymond Smith, son mari avec lequel elle a vécu près d’un demi-siècle. La mort à laquelle Joyce Carol Oates ne se résout pas, la mort qu’elle se reproche. C’est elle, en effet, qui conduisit Raymond Smith qui souffrait d’une pneumonie dans l’hôpital où s’est accompli l’irrévocable. Veuve, la romancière se confronte alors à l’absence, au vide. Mais aussi à l’absurdité d’un système qui l’oblige à engager de multiples démarches pour que le décès devienne enfin une réalité administrative.

Le récit est bien évidemment extérieur ou, du moins, périphérique à l’œuvre de Joyce Carol Oates, tant la romancière s’y implique totalement, qu’elle en est la sujet central, que ses souffrances en sont l’aliment principal. Mais il en est bien souvent comme un condensé, du moins pour celles et ceux qui sont les familiers de cette œuvre. Le regard de la romancière, toujours aussi acéré, observe une société qui régit la mort comme un moment qu’elle s’accapare. Et en se mettant en scène, elle s’y révèle sous un jour qu’ignorait le Lecteur, celui d’une femme qui a fait de la création littéraire le fondement de son existence, dans un partage plutôt surprenant avec l’homme aimé.