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Lectures
24 janvier 2024

Misericordia

lidia

 

 

 

 

 

 

 

 

« Misericordia »

JORGE Lidia

(Métailié)

 

L’approche de l’échéance. Une vie que s’achève. Celle de la mère de l’Auteure hébergée dans ce qui est assimilable à l’EHPAD de chez nous. Plutôt confortable, cependant. Ne porte-t-il pas un nom rassurant, l’Hôtel Paradis ? En compagnie d’autres pensionnaires. Celles et ceux qui n’effectuent de brefs séjours, tant il est vrai que la Mort ne prévient pas les vieilles gens, surtout en ces temps où la Covid exerce ses ravages. Celles et ceux qui, au fil du temps, sont devenus des amis. Et le dialogue que la vieille dame instaure avec sa fille, la Romancière Lidia Jorge. A qui elle confie ses remarques, ses suggestions, ses critiques sur son travail littéraire sur lequel de toute évidence elle est particulièrement attentive.

Rien de sinistre, rien de morbide dans ce roman-là. La vie, reflétée dans son mouvement dont l’issue est connue. La volonté d’être, de ne pas se laisser submerger par le fatalisme et la résignation. Mais de persévérer, de continuer de ressembler à ce que l’on fut, d’aimer cette fille devenue femme et qui écrit des romans, d’être non seulement présente mais toujours active au sein de la société des gens qui se préparent à mourir. « Je suis pleine d’énergie, je veux retourner dans la cour de l’école et sauter jusqu’à ce que mon chapeau s’envole. » La dernière phrase du roman. La phrase qui dit la rage de continuer de vivre jusqu’aux limites extrêmes du possible. Un roman qui s’achève en reproduisant les quelques vers confiés à Lidia Jorge par Maria dos Remédios (la mère).

« Ah ah, le petit âne est mort

Le petit âne ne ressuscitera pas.

Diablesse de vache

si elle meurt et ne s’en tire pas

c’est au veau de travailler

pour mon dîner. »

Un roman qui quelques semaines après qu’il en ait terminé la découverte reste présent et donc vivant dans la mémoire du Lecteur. Vivant comme rarement un roman l’est resté en lui. Non parce qu’il est lui-même un vieil homme et qu’il sait que l’échéance se rapproche. Mais bel et bien parce qu’il ressent toujours la nécessité de se confronter à de grands, de prodigieux moments de littérature.

« Toutes les composantes de la vie gardent la même nature et la même intensité, seules les proportions entre les parties sont modifiées. Tout comme avant, l’alimentation commande les horaires, mais ici la régularité digestive se transforme en finalité première. La matière immonde que le corps produit marque le rythme quotidien comme une commandante implacable, et pour chacun d’entre nous toute cette matière coulante exige un accompagnant et un policier. La table est un empire, les toilettes un trône. Le jeu de l’amour, que je croyais absent du Salon Rose, s’assied parmi les chaises comme un roi qui a été destitué mais qui visite son palais et se couronne lui-même, jour et nuit. Ici tout ce qui était naturel est devenu exagéré. Le charitable voit ses yeux larmoyer es permanence devant la décadence des autres. L’égoïste voit ses yeux larmoyer devant sa propre décadence. Le pacifique devient immobile. L’inquiet se transforme en incroyant. L’ironique se transforme en méprisant. Le plaisantin peut devenir méchant voire cruel… »

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