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Lectures
8 mai 2023

Respire...

Respire

 

 

 

 

 

 

« Respire… »

OATES Joyce Carol

(Philippe Rey)

 

Joyce Carol Oates. Une œuvre pléthorique que le Lecteur parcourt depuis bien des années. Quelques-uns des romans. Auxquels, la plupart du temps, il fut sensible. Un seul désaccord, lequel fut retranscrit dans les pages du blog qui concentre les notes de lecture que le vieil homme rédige quelques jours (voir même quelques semaines ou quelques mois) après avoir refermé l’ouvrage. Ce désaccord, proche du désamour, intervint au sujet de La nuit. Le sommeil. La mort. Les étoiles. Une possible rupture qui lui fut évitée par un cadeau qui, à Noël dernier, prit la forme du plus récent roman de Joyce Carol Oates, Respire…

Un roman qui lui aussi traite de la mort et, pour celle qui survit, la solitude. Gérard vient d’être affecté dans un institut universitaire à Santa Tierra, au Nouveau-Mexique. Michaela, sa jeune épouse, l’accompagne. Une vie non pas nouvelle mais bouleversée. Le dépaysement. La confrontation à un environnement culturel bien différent de celui qu’ils vivaient dans le Massachusetts. Mais à peine installé, Gérard tombe gravement malade, un mal face auquel les médecins s’avèrent impuissants. L’issue fatale n’est qu’une affaire de mois, voire même de semaines. Michela accompagne Gérard. Elle tente de lui apporter le peu d’aide dont elle est capable. « Respire… » Sa façon à elle d’insuffler à celui qui parvient à peine à respirer le peu de l’air nécessaire à sa survie. Tout en replongeant dans ce que furent leurs dix années de vie commune. Tout en proclamant sa fidélité et son attachement à ce que fut leur amour. Un monologue qui exprime plus que le désarroi, l’incompréhension devant ce qui advient et qui échappe à son entendement.

Et puis, il y a dans ce roman la trace du lien ténu qui relie Oates à Erdrich. Leur commune désillusion lorsqu’il s’agit d’appréhender à la réalité de ce qu’est leur commune appartenance, puisque l’une et l’autre sont américaines. Alors qu’elle va quitter définitivement Santa Tierra après la mort de Gérard, Michaela décide de visiter le musée historique du comté d’Arriba. Un lieu de mémoire où la jeune veuve va se confronter aux pages les plus sanglantes de l’histoire américaine. « Dans la salle suivante, tu lis que les conquérants espagnols, les colons ont massacré des millions d’indigène. Tu lis une histoire abominable d’exploitation, d’esclavage impliquant l’Eglise catholique. Prêtres, jésuites, missionnaires catholiques, missions espagnoles, églises érigées dans des régions reculées afin de les soumettre. Tu lis que des enfants indiens ont enlevés à leur famille, forcés de vivre dans des orphelinats catholiques, affublés de noms chrétiens, empêchés de parler leur langue maternelle. Tu lis que des enfants indiens se sont évadé des orphelinats pour rentrer chez eux, ou tenter de rentrer chez eux. Tués lors de leur évasion, morts par suicide. Un aspect de l’histoire coloniale américaine passé sous silence : le suicide des enfants. Massacres, lynchages perpétrés par l’armée. Scalps. Villages incendiés. Morts par contagion : variole, rougeole, syphilis, tuberculose. D’après les estimations, en 1491, la population d’Amérique du Nord comptait cent quarante-cinq millions d’indigènes ; en 1691, elle avait diminué de quatre-vingt-quinze pour cent.

Cent trente-huit millions d’indigènes exterminés !

Un génocide. Deux siècles avant que le mot voie le jour… »

 

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