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Lectures
5 février 2018

Camarade Lune

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« Camarade Lune »

BALZERANI Barbara

(Cambourakis)

 

Un retour douloureux vers les années 70 de l’autre siècle. Douloureux puisqu’il est question d’un mot dont l’Auteure et le Lecteur firent usage et l’une et l’autre. Le mot « communisme ». Qui n’est pas un vilain mot, sauf pour qui a trouvé refuge dans les abris provisoires que lui concèdent les Maîtres du capitalisme triomphant. Qui est un mot perverti par tant de ces gens qui prétendaient incarner « la jeunesse du monde ». Qui est mot abâtardi par les aventures russes et chinoises. Mais dont le sens profond continue à susciter bien des angoisses chez tout les Puissants qui régentent le devenir de l’humanité.

L’Auteure et le Lecteur parlaient-ils, voilà bientôt cinquante ans, du même communisme ? A priori, non. Il existait alors entre eux deux un fossé qu’aucun débat idéologique n’aurait été en mesure de combler. Elle, engagée au sein des Brigades Rouges. Lui, membre du PCF et proche du PCI. Elle, une des rares femmes « dirigeantes » du mouvement et impliquée à ce titre dans l’enlèvement puis dans l’assassinat d’Aldo Moro. Lui, convaincu qu’il n’était pas d’autre voie révolutionnaire que celle de la démocratie. Elle, combattante. Lui, révulsé par l’usage des armes, fut-ce pour la « bonne » cause.

Cinquante ans plus tard (ou presque), alors que se profile l’achèvement et qu’il n’est donc pas inutile de tenter de dresser des bilans, le Lecteur avoue qu’il fut touché, ému, bouleversé, par cette tentative, peut-être maladroite, de restituer une expérience sans se renier, sans jamais induire l’idée qu’elle, l’Auteure, emprisonnée et réduite au silence durant tant de longues années, aurait enfin changé de bord et qu’elle ferait enfin siens les fondements idéologiques préconisés par les tenants de la pensée unique.

Barbara Balzerani mérite que lui soit porté attention, que soient comprises les motivations qui ont conduit une femme alors si jeune à se résoudre au pire en ayant chevillé à l’âme le désir insensé de construire un monde meilleur.  Son livre est plus qu’un témoignage. C’est un cri déchirant, le cri d’une femme qui n’a pas abdiqué, malgré tout ce qu’elle a enduré. Une femme qui ne s’érige pas en modèle. Une femme de très grande souffrance. Une femme qui exprime parfois des sentiments proches de ceux que son Lecteur a enfoui au plus profond de lui-même.

« Essayer de repartir à zéro est impossible. Chacun de nous a son histoire. Essayer de la dissocier de soi-même revient pratiquement à ne pas exister. Mais comment parvenir à me sentir une, sans me retrouver constamment hors normes ? Au milieu d’une hétérogénéité qui semble proscrire toute possibilité de communication. Qui suscite des regards fuyants ou des réponses qui frisent la banalité. Comme si, chaque fois, j’obligeais mon prochain à user de tous les artifices pour conserver sa faculté de cultiver sa propre perception du monde. Et c’est ainsi que meurt la parole. »

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