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Lectures
1 novembre 2013

La violence des riches

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« LA VIOLENCE DES RICHES »

PINCON-CHARLOT Monique

PINCON Michel

(Zones/La Découverte)

 

Il est parfois fort agréable de sortir d’un livre avec l’impression de n’avoir rien appris. Ou très peu. Des petits riens qui relèvent sans doute de l’anecdote. Même si l’anecdote en ces temps fort troublés peut se montrer particulièrement savoureuse. Oui, le Lecteur n’a rien appris d’essentiel de fondamental. Tel n’était d’ailleurs pas son objectif (ou son désir ?)  lorsqu’il fit l’acquisition de cet ouvrage. Il lui suffisait de se confronter à une sorte de globalisation des données concernant celles et ceux qui prétendent constituer la nouvelle aristocratie du nouvel mais si cacochyme ancien régime. Les riches. L’exercice auquel se sont livrés les Pinçon-Charlot répond bien au-delà des attentes (des désirs ?) du Lecteur. Un exercice qui s’ouvre sur des territoires qui lui furent familiers. Les Ardennes, la vallée de la Meuse autrefois si industrieuse, Nouzonville, le bourg voisin de ses attaches maternelles. Ou comment le Grand Désordre Capitaliste détruit, anéantit non seulement les outils de production mais aussi et surtout les milliers de femmes et d’hommes qui y avaient trouvé, au-delà des moyens de leur subsistance, une légitimité sociale. Le livre parcourt ensuite les itinéraires particuliers de quelques-uns des nouveaux féodaux, analyse les méthodes dont ils usent et abusent pour exercer leur pouvoir, scrute la « mécanique de leur domination », dévoile comment ils se sont lancé à la conquête de la ville d’où ils éliminent, avec la complicité des élites locales, ce qu’il reste du prolétariat. Donc un livre utile. Un livre tocsin qui met en évidence les failles d’une démocratie en voie de dépérissement et l’émergence d’une tyrannie qui s’évite de se reconnaître comme telle. La tyrannie qu’exercent les riches non seulement à l’égard des pauvres mais également des couches moyennes condamnées elles aussi à la paupérisation.

Le Lecteur exprime son infinie gratitude aux deux auteurs de « La violence des riches ». Ils lui ont remis en mémoire la parution d’un ouvrage qui, au milieu des années 80 de l’autre siècle, provoqua d’évidents remous. Le bouquin des reniements, un bouquin intitulé « La Gauche bouge » (bouquin aujourd’hui quasiment introuvable). Etrange période qui vit le parti socialiste renier ses engagements, opérer ce qu’il fut convenu d’appeler le « tournant de la rigueur » et se convertir insidieusement à l’idéologie néolibérale. Opération qui s’accompagna d’un fantastique battage idéologique ponctué par une émission de télévision qui, à l’époque (22 février 1984), fit grand bruit. Une mise en scène d’exception. Amorcée par Ockrent au journal de 20 heures. Prolongée par un célèbre joueur de poker (menteur ?), autrefois moscovite, mais converti lui aussi au néolibéralisme : Yves Montand. Déjà la prétendue crise. Déjà l’urgence de réformes brutales. Déjà la perspective de la mort de l’état providence. L’immense Yves Montand proclama ce soir-là : « Notre bateau tangue, il menace de couler. Que le gouvernement soit de droite ou de gauche, on ne peut plus gouverner ce bateau. Les recettes politiques ne marchent plus. Toutes les issues sont bloquées. Les idéologies c’est de la blague, ça ne sert plus à rien. »

Un morceau d’anthologie, non ? Si peu différent des actuelles partitions qu’interprètent de concert les Médéfieux, les Banquouilleurs mais aussi François le Débonnaire et quelques-uns de ses Chambellans. François le Débonnaire qui s’était attelé à cet ouvrage voilà bien longtemps puisqu’il est l’un des auteurs de cet Introuvable, « La Gauche bouge ». Ce gentil garçon, désormais Roi de France, et ses compagnons scribes (dont ce Jouyet qui sévit pour notre plus grand malheur tout au long de l’année et ce Le Drian, Chambellan ayant en charge le destin de nos glorieuses armées et, accessoirement, le convoyage d’otages libérés dans d’obscures conditions), ces brillants intellectuels, énarchiants pour quelques-uns d’entre eux, n’y allèrent alors pas avec le dos de la cuillère : « Finis les rêves, enterrées les illusions, évanouies les chimères. Le réel envahit tout. Les comptes doivent forcément être équilibrés, les prélèvements obligatoires abaissés, les effectifs de police renforcés, la Défense nationale préservée, les entreprises modernisées, l’initiative libérée. »

Dès 1985, tout fut donc écrit. Au point que la profession de foi paraît terriblement actuelle. Le Lecteur n’a qu’à un reproche à formuler à l’encontre de Monique et de Michel . Le reproche de n’avoir pas tout mis en œuvre pour que leur livre fut publié avant ce fatidique mois de mai 2012. Ils auraient évité au Lecteur de se laisser aller au désir de substituer à un homme de droite un autre homme de droite, d’avoir manifesté une fois de trop cette naïve confiance dans les promesses d’un lascar qui, depuis qu’il est installé sur le trône, persévère dans ses errements et fait quotidiennement injure à la mémoire de Jaurès.

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