Métisse palissade

« Métisse palissade »

EBODE Eugène

(Gallimard/Continents Noirs)

Eugène Edobé, par la voix d’un bientôt bachelier, narre le divorce de ses parents au terme d’une vingtaine d’années de vie commune (avec trois enfants à la clef : le narrateur, son petit frère et sa jeune sœur). Un couple mixte comme il est coutumier de le dire (et de l’écrire). Le père d’origine camerounaise, écrivain pas assez reconnu. La mère, autochtone, dont les parents sont installés entre Aix-en-Provence et Gardanne. Donc le divorce. Décrété par la mère le jour où elle a découvert que son époux entretenait une liaison avec l’Africaine, une cévenole installée du côté de Nîmes. Alors même qu’elle avait fermé les yeux sur les nombreuses aventures vécues par le père de ses enfants, l’écrivain pas assez reconnu mais assez cependant pour attirer dans ses rets nombre de ses lectrices jusqu’à en battre certains records.

Le Lecteur s’est immergé dans ce récit haut en couleurs dont le seul défaut est peut-être de s’éparpiller dans quelques récits annexes. Il ne renie rien du plaisir qu’il y a pris. L’humour d’Eugène Edobé est souvent dévastateur. Le regard que l’écrivain porte sur la société française ne manque ni de lucidité ni de pertinence. Certains des portraits qu’il brosse sont d'une très tonifiante férocité. Tel celui de ce pied-noir, descendant d’opulents colons, qui finit par se convertir à l’islam. Les africains eux-mêmes ont à subir la férocité du trait. Reste ce qui pour le Lecteur ce qui relève de la question centrale qui constitue l’ossature du récit : l’univers africain et l’univers européen sont-ils en mesure de vivre ensemble et de s’inventer un avenir commun. Le divorce paraît indiquer que non. Les blessures anciennes, celles consécutives aux temps de l’esclavage et de la colonisation, ne sont toujours pas refermées. Un point de vue que partage peu ou prou le Lecteur.