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Lectures
28 mai 2014

Le tort du soldat

soldat

 

 

 

 

 

 

 

 

« Le tort du soldat »

De LUCA Erri

(Gallimard)

 

Bouleversant récit. Erri De Luca est un orfèvre. Un de rares contemporains dont chaque mot, dont chaque phrase induise chez le Lecteur d’indicibles frissons. Non que le romancier italien jouât sur les sentiments. Bien au contraire. Tout chez lui est humilité, dépouillement. A l’instar de cette roche qu’il gravit dans les Dolomites, ce sommet qu’il tente de gagner, cette lumière qui le transcende. Dans ce court récit, le narrateur est « celui qui passe sa journée à fouiller les rochers à quatre pattes, (qui) a du temps à revendre pour s’inventer des histoires. » Mais aussi du temps disponible pour fouiller dans sa mémoire. Il se souvient de ce que fut la découverte de la Shoah. Il est allé à Auschwitz. « J’ai marché entre les baraquements ouverts, restés humides de terre et de terreur. Je me suis assis sur un des bancs de bois superposés qui accueillaient les corps épuisés par le travail et la faim. J’ai fermé les yeux, je me suis endormi une minute, car je ne sais pas prier. » Le narrateur qui est évidemment Erri de Luca évoque son rapport à la culture juive : « Le yiddish a été mon entêtement de colère et de réponse. Une langue n’est pas morte si un seul homme au monde peut encore l’agiter entre son palais et ses dents, la lire, la marmonner, l’accompagner sur un instrument à cordes. »

De retour d’une randonnée montagnarde, le narrateur s’installe dans une auberge. Tout près de lui, à une autre table, un homme et une femme. Le père et la fille. Des autrichiens. Le narrateur les observe. Il s’efface alors  et laisse à la jeune femme le soin de poursuivre la narration. Deux voyageurs qui ne sont que de passage. Elle, la fille de ce père qui, et bien qu’il ne l’ai jamais confessé, fut un dignitaire nazi. Lequel au terme d’une longue errance s’était établi en Autriche et avait fondé ce qui prit les apparences d’une famille. Toujours obsédé par ceux qui traquaient des gens comme lui. Convaincu qu’il lui serait toujours un peu plus difficile de passer à travers les mailles du filet. Jusqu’à l’instant de cette presque rencontre fortuite, dans une auberge des Dolomites, face à cet homme qui « ne sait pas prier ». Et ce qu’il adviendra de l’homme et de la femme, ces étrangers de passage dont la destinée n’était cependant pas écrite.

Le Lecteur fut plus que bouleversé, mieux qu’ébloui.

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