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Lectures
14 octobre 2013

Luxueuse austérité

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« Luxueuse austérité »

ROUANET Marie

(Albin Michel)

 

Le Lecteur a retrouvé Marie chez Gibert (toujours l’étalage aux occasions). Le Lecteur s’autorise cette familiarité. L’usage du seul prénom. Entre voisins. Qui se frôlèrent. Qui se rencontrèrent. Au temps où Marie confiait à qui voulait bien les lire de merveilleuses recettes de la cuisine amoureuse. Ca vous en bouche un coin ? Si oui, cherchez et vous finirez bien par trouver ces diaboliques recettes dont le Lecteur fit un usage modéré, sa mécanique corporelle, en ces temps-là, ne souffrant point d’insuffisances.

« Luxueuse austérité » constitue une sorte d’antidote à l’ouvrage auquel le Lecteur fait référence. Marie hérite, sans doute vers les années 60/70, d’une vieille demeure familiale sise sur les contreforts des Cévennes, pas très loin du Larzac. Aucun confort. L’eau est une denrée rare qu’il faut aller chercher à la source. L’électricité ? Elle sera installée quelques années plus tard. L’accès s’effectue par un chemin de terre que ravinent les pluies orageuses. Mais la vie quotidienne n’y relève pas du martyre. Marie, son compagnon, ses enfants se familiarisent, s’adaptent à cette austérité incontournable. Marie y prend même un certain plaisir, elle qui vécut ses vacances estivales de jeune biterroise dans une cabane de pécheurs proche d’Agde (« Pourtant, je peux dire que cette maison aux couleurs adoucies par le vent marin, aux peintures écaillées, presque plus sommaire qu’une tente, fut un lieu de bonheur. Je peux oser : de bonheur parfait. » )

Il y a de la nostalgie, beaucoup de nostalgie dans le propos de Marie. A qui d’autres ont peut-être reproché de s’être laissée déborder par le fatras des souvenirs d’un temps de l’humilité, de la pauvreté, de l’austérité. Mais, et derrière les apparences, existent bel et bien les interrogations sur nos modes de vie contemporains. Sur cette folie consumériste qui nous rend totalement dépendants des volontés des Maîtres du Grand Désordre Capitaliste. Marie évoque l’autrefois, ce temps forclos où l’être humain disposait encore du pouvoir, s’il en manifestait le désir, de se réaliser socialement jusque dans ses plus humbles fonctions. Marie met en garde. En ayant recours à une musique singulière, une cantate dont la ligne mélodique est un hymne à la vie.

« Garde cette plaine non encore ensemencée, entaillée de pans de labours sanglants près des luzernes vert cru, de quelques maïs fourragers et de la fine chevelure d’un blé à manger en herbe avant que les troupeaux ne rejoignent les étables pour les mois d’hiver. Ne manque pas ce qui tournoie avec les saisons et ne reviendra que l’année prochaine : les dernières sorties des brebis déjà pleines pour les naissances de décembre et de janvier, plus grasses, plus propres qu’autrefois parce que mieux nourries et mieux soignées. C’est plaisir que de les voir paître paisiblement derrière leurs clôtures électriques, d’entendre les sonnailles des porteuses de clochettes, les aboiements des border-colleys qui arrivent, ventre à terre, à l’heure où il faut rentrer. Ils vont plus vite que l’homme en quad qui traverse en diagonale le champ dressé en face de la maison. Le bruit de son engin est à peine plus fort que celui du gros frelon qui cherche à rentrer dans la pièce. »

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