« Stardust »

MIANO Léonora

(Grasset)

« Elle n’a parlé à personne depuis ce matin, mais ses oreilles ont traîné. Certaines sont ici depuis des mois. D’autres n’y ont passé que quelques jours avant d’être rendues à leur inutilité. Avec, en poche, de quoi payer un jour ou deux d’hôtel. Des étrangères inexpulsables pour cause d’enfants français mais non autorisées à résider s’en sont retournées d’où elles étaient venues. Dans l’équarrissoir des errances urbaines. Comment dormir ? La nuit a des grincements, des bourdonnements, des ronflements de tuyauterie humaine. Le corps caverneux des compagnes imposées. Tous les bruits sont partagés. Offerts à celles qui sont encore suffisamment stupides pour croire que l’intimité est un droit. Que la misère n’est pas un vice. »

Le roman D’une Ecrivaine en devenir. Dont cette courte citation précise la nature du propos. Elle vient d’interrompre ses études. Elle vient de rompre une relation faussement sentimentale avec l’à peine d’homme qui est cependant le père de Bliss, sa fille de quelques mois, leur fille. Bliss en raison de laquelle elle repoussera l’idée du pire, pour laquelle elle se battra afin d'offrir à la fillette une existence digne de ce que furent ses rêves d'émigrante, Elle, qui quitta le Cameroun pour s’installer en France, terre supposée de la fraternité, de l’égalité et, accessoirement, de la liberté. Et qui donc se confronta à l’équarrissoir. Dès lors qu’elle voulut voler de ses propres ailes et se libérer du poids des contraintes.

Ce roman émouvant, tout plein d’une colère qui ne se contient pas, est un révélateur des trahisons, des mensonges, des falsifications tout autant que de la brutalité et de la cruauté d’un système pervers qui use du paraître et des bons sentiments pour laisser croire en son humanisme à vocation universaliste.

« Elles sont dans une France souterraine d’où elles entendent la rumeur du pays qu’elles croyaient trouver : celui où elles devaient devenir des êtres modernes, développés… Elles viennent de l’ancien empire colonial, si grand que jamais le soleil ne s’y couchait. Territoires jadis occupés où on a injecté dans le sage des peuples qu’être Français valait mieux que tout. On s’est démené pour que les Subsahariens rêvent de France. On leur reproche d’avoir trop obéi. De n’avoir pas su dire merde. De vouloir vivre leur fantasme. Qu’importe. Elles sont là. »

Elles sont toujours là. En 2023. Comme il y a plus de vingt ans. En ces temps reculés, quand Léonora Miano s’installa en France. Et qu’elle y vécut ce que raconte ce court mais si intense roman. Tout ce qui fait injure à ce que certaines élites franchouillardes prétendent incarner. Ce tout qui n’est qu’égoïsme, lâcheté, mépris de l’autre. Avec les survivances de la mentalité colonialiste. Je fais d’ores et déjà de Stardust mon livre en langue française de l’année 2023.

Stardust

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