« Sacrifice »

OATES Joyce Carol

(Philippe Rey)

Un fait divers à l’américaine qui devient un roman. L’histoire de la disparition d’une adolescente noire résidant dans une bourgade du New Jersey où se mère la recherche. En vain. Jusqu’à ce qu’elle soit retrouvée dans un entrepôt abandonné, ligotée, le corps et la chevelure barbouillés d’excréments canins. Avec des slogans racistes peinturlurés sur le ventre et la poitrine, des slogans qui font référence au Ku Klux Klan.

Sybilla, l’adolescente, finit par mettre en cause des flics blancs qui l’auraient enlevée et violée. Commence alors l’enquête. Une enquête dont Joyce Carol Oates se fait, en quelque sorte, l’écho. L’irruption d’un pasteur qui endosse le rôle de l’accusateur public et qui, avec le soutien de son frère avocat, mène une campagne publique pour dénoncer un crime raciste. Puis celle d’un militant islamiste, l’un et l’autre s’affrontant pour tenter de faire éclater au grand jour une vérité qui n’est peut-être pas la vérité. Une donnée tangible, qui s’exprime dès le début du roman. Leur commune volonté, puisqu’ils sont noirs et défendent la cause des noirs américains, de prouver que les flics blancs ont commis le pire. Un processus manichéen qui, au bout du compte, exacerbera les tensions entre les différentes communautés.

Joyce Carol Oates témoigne à sa façon de ce racisme dont la société américaine ne s’est toujours pas défaite, qui continue à la gangréner. Sans concession. Dans ce qui prend parfois les apparences d’un reportage, d’une immersion au cœur de la tourmente. Sans parti pris. Du moins en apparence. Comme s’il fallait laisser au Lecteur (à chaque Lecteur) son libre-arbitre. Mais avec tant de rage au cœur, tant de désespérance aussi, qu’il est impossible de ne pas entendre les mots d’un réquisitoire qui condamne l’aveuglement tout autant que les replis identitaires.

Sacrifice

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