« Le terroriste noir »

MONENEMBO Tierno

(Seuil)

Les Vosges. Au lendemain de la défaite de 1940. Un village où la vie reprend selon des modalités ordinaires. Jusqu’au jour où des cueilleurs de champignons découvrent un « nègre » endormi sous un abri précaire. Que faire de lui sans attirer l’attention de l’occupant ni de ceux qui collaborent avec l’occupant ? Solutions de fortune dans un premier temps puis hébergement dans un local qui le protégera des rigueurs de l’hiver. Alors que naissent les premiers embryons des mouvements de résistance. Addi Bâ, l’africain, s’installe dans la communauté villageoise, y prend parfois ses aises et séduit quelques femmes. Mais il est surtout celui, alors que la Résistance au fil du temps s’organise, dont elle a un impérieux besoin. Afin d’encadrer ses nouvelles recrues. Addi-Bâ est un soldat que le hasard a conduit jusqu’à ce village vosgien au lendemain de la débâcle. Elevé, éduqué au sein d’une famille française, il est doté des compétences militaires, lui qui fut officier dans l’armée humiliée. Addi-Bâ s’engage. Addi-Bâ commande le maquis en gestation. Mais il est dénoncé, donc trahi. La Gestapo et la soldatesque allemande se lancent à la recherche du « terroriste noir ». Addi-Bâ est arrêté puis assassiné, puisqu’il s’agit bien d’un meurtre. Soixante ans plus tard, une femme, une indigène, mènera un combat acharné pour que soit réhabilitée et honorée la mémoire de celui qui mourut pour la France.

« Cet homme ne fut pas un fantôme de passage, aperçu en train de slalomer entre les arbres, à califourchon sur une vieille bécane, figé dans son uniforme de tirailleur. C’est à Romaincourt qu’il a vraiment vécu, c’est pour Romaincourt qu’il est mort. Il fait partie de la mémoire d’ici, il est la mémoire d’ici : le premier homme à donner son nom à une rue de ce village. La rue Addi-Bâ, voilà qui parle mieux que la rue de l’Ecole, la rue de l’Eglise. »

Le roman de Tierno Monénembo rappelle de manière fort convaincante que la France colonialiste enrôla dans son armée tant et tant d’africains pour mener « ses » guerres, les mondiales, la première puis la seconde. Qu’ils furent multitudes à perdre leur vie au nom d’une patrie qui les considérait pourtant comme quantité négligeable. L’histoire que conte l’écrivain guinéen est émouvante, sans excès de mièvrerie et de bons sentiments. De plus, il y a ce qu’il faut de légèreté, d’humour dans l’écriture pour que le récit ne s’apparente pas à un banal règlement de compte. Mais émerge de temps à autre tout ce qu’il faut de gravité pour que soient titillées les consciences assoupies, pour peu que soit pris le temps d’ouvrir le livre et de se laisser emporter par l’insistante musique des mots.

Le Terroriste noir - Tierno Monénembo

Le terroriste noir

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