« Le dynamiteur »

MANKELL Hennig

(Points/Seuil)

« Les gens ont été réduits à murmurer pendant des siècles, mais ce sont quand même eux qui ont pris les coups et ont été battus. Il faudrait écrire d’avantage sur ce que les gens n’ont pu que murmurer. »

Les gens ? Les damnés de la terre. Les travailleurs. Les ouvriers. Les derniers de cordée sans lesquels le capitalisme ne serait jamais devenu ce qu’il offre à voir aujourd’hui. Oskar Johansson, entre autres. Dynamiteur un peu par hasard. Confronté au probable anéantissement. Une explosion. Dont ses compagnons de travail se demandèrent longtemps par quel miracle il en avait réchappé. Mutilé donc (borgne, un bras en moins). Mais dur à la tâche. Un retour à une vie presque normale.

Marié à Elvira. Trois enfants. Et l’engagement. Lui tout autant qu’elle. En cette Suède qui chemine et tâtonne alors, avec le rêve d’inventer le socialisme.

« Il marche dans la manifestation qui parade devant le leader révolutionnaire. Il brandit une pancarte avec un visage parmi des millions d’autres. Il crie.

Le visage tremble. Des lèvres se tendent vers des joues. Les dents brillent. Mille visages.

Des millions de dents blanches.

El pueblo te defiende…

Le peuple te défend !

La révolution. Un mot féminin. La femme accouche de l’avenir. Le visage d’Oskar parmi les autres.

Son visage parmi celui des autres. Il est couché dans son lit, dans son sauna. Il fait froid. Il est seul dans son archipel. Il rêve de sa révolution. »

Le Lecteur ne connaissait pas Hennig Mankell sous ce visage-là, Lui qui s’était familiarisé avec quelques polars, ceux qui ont beaucoup fait pour la renommée de l’écrivain suédois. Le dynamiteur, comme un contre-point, lui est donc parvenu comme la quintessence du roman social. L’art de bien parler des gens qui n’ont pu que murmurer. Oskar qui, veuf, retraité, se retire sur une île minuscule, dans un ancien sauna. Oskar qui vieillit. Oskar qui murmure. Des souvenirs au cœur desquels les rêves d’un monde meilleur ne le quitteront jamais. De temps à autre, un homme lui rend visite de temps. Un homme qui écoute les murmures d’Oskar, qui en devient le transcripteur, l’amplificateur. Ce qui donne ce récit émouvant, ce récit bouleversant sur la vie d’un homme de dur labeur, fidèle jusqu’à son dernier souffle à sa volonté, à son irrépressible désir d’édifier une société de justice et de fraternité.

Le dynamiteur

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