« Le Chant des revenants »

WARD Jesmyn

(Belfond)

Troublant et surprenant roman dont il est difficile de se défaire. Tant les personnages fascinent, les morts autant que les vivants. Des personnages qui peuplent un récit d’une densité poétique exceptionnelle. Dans le contexte si particulier du sud profond des Etats-Unis qui se caractérise par un racisme virulent.

Ici, tout s’entremêle dans trois récits. Ceux que laissent entendre Leonie et son fils, Jojo, qui tous deux appartiennent au monde des vivants. Mais aussi celui de Richie, mort depuis un demi-siècle, et que seul Jojo est en mesure d’entendre. Trois générations, donc. Au cœur d’un même univers qui, au cours de ce demi-siècle, a si peu changé. Comme s’il s’avérait impossible, du côté des Blancs, de s’extirper des processus de ségrégation et de la violence meurtrière qui les caractérisent. Richie, embastillé en même temps que le grand-père de Jojo (Papy, père de Leonie) dans un de ces camps de travail dont il était quasiment inimaginable que l’on puisse ressortir vivant.

Elevé par Papy (et par sa grand-mère avant que celle-ci ne soit réduite au confinement par un cancer), Jojo a pris en charge sa petite sœur, Michaela. Un peu de terre, Quelques animaux. Le peu indispensable à la survie. Une grande et belle dignité. Et puis survient l’information de l’imminente sortie de prison de Michael, compagnon de Leonie et père de Jojo et de sa sœur. Les retrouvailles. Le passage de la presque famille reconstituée chez les parents de Michael. Une confrontation qui constitue, aux yeux du Lecteur, le moment le plus saisissant du roman. Le racisme qui s’exhibe en quelques pages dans ce qu’il a de plus hideux, de plus révulsant.

Un roman qui semble s’inscrire dans la prolongation de l’œuvre de Toni Morrisson. Un grand, un beau romain américain.

Le Chant des revenants

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