« La vie joue avec moi »

GROSSMAN David

(Seuil)

Quelques heures dans la compagnie de l’Ecrivain israélien. Un homme du camp de la paix. Ce qui ne transparaît que de manière anecdotique, fugitive dans ce nouveau roman. Normal : ce roman-ci ne traite pas des problèmes israéliens, même si dans sa première partie, les personnages évoluent et se rencontrent sur le territoire israélien. David Grossman transporte en effet ces mêmes personnages en ce pays qui fut autrefois la Yougoslavie. Pour une lente immersion dans ce qui fut le goulag titiste, en Croatie, sur une île aride, le monde des non-vivants. Une découverte pour le Lecteur qui jusqu’à la découverte de La vie joue avec moi ignorait que Tito et ses acolytes avaient usé des mêmes méthodes que celles que préconisa Staline, et bien qu’ils fussent, au moment des faits relatés dans le roman, entrés en dissidence avec le mouvement communiste international.

Donc des personnages. Quatre au total. Attachés à Israël. L’aïeule, Véra, juive et yougoslave qui, dans les années de l’avant-guerre fut folle amoureuse d’un jeune militaire, Milosz, avec lequel, durant la guerre, elle entra en Résistance. Nina, sa fille. Guili, la fille de Nina. Et Raphaël. Véra fête au kibboutz ses quatre-vingt dix ans. C’est de cette commémoration que naît le projet qui réunira les quatre personnages : un voyage en Croatie, voyage destiné, pour Véra, à retrouver les lieux du goulag où elle fut internée, l’île de Goli Otok, le monde des non-vivants. Un voyage filmé et tout au long duquel Guili consignera sur un cahier les différentes phases de la reconstruction de la mémoire de Véra. Depuis l’arrestation puis la mort de Milosz jusqu’à la libération de Véra et son départ pour Israël. Un récit haché. Qui recompose les moments d’une infinie cruauté, ceux où Véra se voit dans l’obligation, face à ses bourreaux, de choisir entre son mari condamné à mourir et sa fille condamnée à survivre. Un récit dont émerge peu à peu une vérité relative mais dont chacun des personnages devra cependant se satisfaire.

Un roman sur la filiation. Un roman sur l’arrachement. Un roman sur la reconstruction. Dominé par le fabuleux personnage de Véra, nonagénaire qui a traversé tant de drames mais dont la présence, dont le charisme semblent démontrer que la force vitale qu’elle sut nourrir en elle reste la source première qui permet d’échapper au désespoir et au renoncement.

La vie joue avec moi

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