« La Maison indigène »

CLARO

(Actes Sud)

A fleur de mémoire. Celle de l’Auteur de ce passionnant récit (Auteur qui est aussi et si souvent Traducteur émérite). Mémoire personnelle qui se conjugue à d’autres mémoires. Dont celles de personnage du monde des belles lettres, de l’architecture, de celui de la culture en règle générale. Camus, en tout premier lieu, la Maison indigène ayant été érigée à Alger. (Camus à l’encontre duquel le Lecteur ne parvient toujours pas à taire son ressentiment – une histoire ancienne, celle d’une guerre, et de l’aveuglement de Camus face au crime contre l’humanité auquel se livra le colonialisme franchouillard -). Mais aussi Jean Sénac, poète maudit, tant il eut le grand tort de choisir le camp du colonisé (et vainqueur de la guerre) plutôt que celui du colonisateur (vaincu selon des traditions bien établies). Luchino Visconti, auteur d’une adaptation cinématographique de L’Etranger (qui ne fut pas le meilleur des films du réalisateur italien). Gillo Pontecorvo et La bataille d’Alger. Et puis Le Corbusier qui visita l’Algérie d’avant la Seconde guerre mondiale, poussant alors sa découverte jusque dans les recoins les moins fréquentables des bordels. Le Corbusier puisque Léon Claro, le grand-père de l’Auteur, exerçait la profession d’architecte, et qu’à ce titre il fut le concepteur, en 1930, de la Maison Indigène, un bâtiment destiné à « glorifier » le centenaire de la colonisation franchouillarde.

Le vieux Lecteur a nagé comme un poisson dans les eaux pourtant tumultueuses de ce récit. Malgré son ressentiment à l’encontre de Camus. C’est sans doute parce que l’Auteur a su lier et amalgamer tous les ingrédients dont il eut envie de faire usage, ceux dont à force d’obstination il retrouva la trace tout aussi bien que ceux que lui restitua sa mémoire. Ce récit s’apparente à un roman en gestation, une belle et passionnante gestation.

« Il existe une pièce cachée dans la Maison mauresque. Aucune porte n’y mène, aucune fenêtre ne l’éclaire, il y règne une pénombre rafraîchissante que rien n’altère. Ceux qui vivent dans la maison peuvent prendre toutes les mesures qu’ils veulent, compter leurs pas, aller d’un angle à l’autre, toquer sur les murs, elle n’apparaîtra pas. Et pourtant, un jour, on s’y réveille, et on y est bien, car on sait exactement quelles pièces la jouxtent derrière ses quatre pans, qui vit dans ces pièces, et quelle lumière s’y répand, en quelles proportions et à quelle heure de la journée… »

La Maison indigène

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