« Kiruna »

DE KERANGAL Maylis

(La Contre Allée)

Kiruna. Une cité suédoise aux confins de la Laponie. Sur un territoire particulièrement riche en minerai de fer. Où ce minerai est extrait depuis plus d’un siècle. La plus « grande » mine du monde.

« Espaces, empreintes, indices, voix, remémoration : ce jour-là, j’accède à la mine comme on accède à un lieu total, livré grandeur nature, un endroit dont la singularité tient, entre autres, aux différentes temporalités qui s’y entrechoquent, se réactivent, formant ce circuit troublant où l’on se déplace par un jeu de glissement continuel. Ou comment l’existence d’une mine en un lieu donné a provoqué l’accélération de l’histoire. Suscité des migrations et sédimenté une culture, stimulé les sciences et la technique, aménagé un territoire, mobilisé le droit, l’économie, l’urbanisme, créé une sociabilité, engendré un langage. Dès lors la mine s’érige en lieu politique… »

Une « résidence », là-haut, à deux pas du cercle polaire. Le regard aiguisé. Une curiosité de tous les instants. Et Maylis de Kerangal restitue de magistrale façon ce Kiruna qui fut confronté au Kiruna qui se reconstruit. L’histoire des pionniers, la ruée vers ces lieux si peu hospitaliers à la fin du 19° siècle. L’histoire des quelques femmes si peu préparées à affronter un univers hostile. Les guerres mondiales, dont la Seconde avec l’occupation du site par les nazis. Une mine à ciel ouvert. Des sols fragilisés et qui commencent à s’effondrer. L’obligation de s’éloigner, de reconstruire la ville, d’entrer dans le nouveau monde, celui d’une économie qui se mondialise.

« Intimement liés, les destins de la mine et de la ville sont désormais pris dans une même impasse : si la mine continue de s’étendre sans que rien ne bouge, les habitants, menacés, finiront par vider les lieux. Or la mine a besoin des hommes pour fonctionner, et le cadre de vie que leur donne la ville pour les retenir dans cette région des confins, enfouie dans la nuit polaire ou baignée du soleil de minuit… »

Pas à pas, le Lecteur a suivi Maylis de Kerangal dans sa découverte du bouleversement d’un monde qui n’est pas seulement celui de la mine. Un bouleversement qui affecte également ceux qui vivaient depuis des temps immémoriaux sur ces territoires. Les Lapons, éleveurs de rennes. La brutale transition d’un capitalisme qui tenta autrefois de se donner un visage « social » vers un libéralisme débridé, qui ne connait, lui, d’autres lois que celles du profit. Un « petit » bouquin ». Une belle œuvre d’une resplendissante humanité.

Kiruna

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