« Héritage »

BONNEFOY Miguel

(Rivages)

Une migration forcée, vers la fin du 19° siècle. Celle d’un vigneron installé sur hauteurs de Lons-le-Saunier et que le phylloxéra a contraint à l’exil. Le hasard, ou plus exactement un cas de fièvre typhoïde, le conduisit à Valparaiso où il devint le premier de la lignée des des Lonsonier. C’est donc au Chili qu’il devint chef de culture dans un domaine viticole. Là où il créa une famille. Là où sa descendance prospéra. Non sans effacer le souvenir des origines au point que lors des deux guerres mondiales il fut des Lonsonier pour s’en venir combattre sur le vieux continent. Du bon côté.

Le roman ne passionna vraiment le Lecteur qu’à partir du moment où l’histoire du Chili sembla basculer, là aussi, du bon côté. « En septembre 1970, le président Allende arriva au pouvoir. Cette victoire eut un tel retentissement que, pour la première fois, on vit le visage d’une autre jeunesse dans les rues… » Le Chili de l’Unidad Popular est resté arrimé au cœur du Lecteur. Tout autant que les souffrances consécutives au coup d’état militaire fomenté et mis en œuvre avec l’appui des USA. Les pages qui retracent la violence et la cruauté des sbires de Pinochet, celles où la torture est retracée en ses actes les plus barbares ont ravivé chez lui des blessures vieilles de bientôt cinquante ans.

« Celui qui arriva dans le jardin, après avoir traversé la maison sans dire un mot, fut un garçon famélique, avec un pantalon déchiré jusqu’au genou amarré par une corde, les vêtements en haillons, la chemise tachée de sang et le crâne rasé, couvert de cicatrices noires, qu’il cachait sous un bonnet plein de trous. Ce garçon n’était plus un garçon, c’était le spectre de la dictature, c’était la métaphore rustre, terrifiante, effroyable, d’un peuple déjà meurtri… »

Héritage

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