« Heptaméron avec chardonnay »

OBERLE Gérard

(Grasset)

Sept jours. Sept récits. Marguerite de Navarre n’est peut-être pas très loin. Sept récits savoureux, drôles, désopilants, enivrants. Le Lecteur en perdit parfois l’équilibre avant de sombrer dans un bienheureux sommeil, peuplé de rêves qui l’entraînèrent vers le pays morvandiau, un pays qu’il n’a pourtant fréquenté qu’en de très rares circonstances. Un narrateur. Son étrange ami, Claude Chassignet. Des personnages hors du temps, de notre temps si morose. Des personnages cultivés, qui savent se tenir à table et boire sans trop de mesure des vins de qualité, dont nombre de vins blancs issus des territoires qui jouxtent la Bourgogne. Un bouquin tonifiant et la réjouissante découverte d’un Ecrivain dont le vieux Lecteur ignorait l’existence. Avec, cerise sur le gâteau, une écriture enjouée, parfois innovante, introduisant au fil des phrases moult néologismes.

« Mon Rémy était devenu un camé chablisien. Je m’étonnais de ce que, gîtant tout près de Beaune, il ne variât jamais son ordinaire avec des vins d’Aloxe-Corton, Pommard, Volnay et autres chambertins, se privant ainsi du triomphant cépage pinot noir, ce « sang bleu » de la généalogie bachique. Mais Rémy Labarre avait définitivement choisi de « chardonner ». Le chardonnay, cet or liquide à la fois sec et onctueux, nerveux et dépendant caressant, est un cépage aussi mâle que féminin. Un auteur qui mieux que personne a chanté l’âme du vin de Bourgogne, Jean-François Bazin, a suggéré que le Chardonnay avait plutôt le sexe des anges. Avec cet ange-là, Rémy vivait une passion amoureuse, exclusive et définitive…. »

Quelques écrivains hantent cet ouvrage. Dont Aragon. Mais aussi Norge, le discret poète belgien qu’un ami, Poète lui aussi, fit découvrir au Lecteur voilà plus d’un demi-siècle. Cet autre Poète s’appelait André Devinck. Le Lecteur laisse ici une trace, avec la complicité involontaire de Gérard Oberlé, d’un homme de bien.

(Le Lecteur ne résiste pas au plaisir de reproduire quelques lignes du chapitre que Gérard Oberlé consacre aux salons du livre, manifestations d’un genre particulier qu’illustre avec une véhémence singulière la bonne et belle ville de Montpellier que son pétillant édile ne cesse de qualifier de « capitale culturelle ». Place à Gérard Oberlé et à son témoignage. « Mais récréation que tout cela ! Le point de mire de cirque, l’arène où se jouent les activités sérieuses, c’est le champ de foire des stakhanovistes de la dédicace. Dans cette grotesque braderie, les gloires littéraires confirmées, les célébrités de l’audiovisuel, de la politique, du sport et crime, et parfois quelques perruques académiques, côtoient, avec plus ou moins de bonheur, le blé en herbe, les grandes espérances pas encore déçues, les auteurs d’un premier livre, les discrets poètes, les scribomanes des sociétés d’émulation, les illustrateurs de livres pour enfants et le rituel calligraphe de service…. A quelle place de loto répondent les attributions des places des participants ? Combinaisons des organisateurs, caprices des attachées de presse, tirage au sort ?.... »)

Heptaméron avec chardonnay

Partager cet article