« Commencements »

MILLET Catherine

(Flammarion)

Les commencements, soit donc les tentatives qui sont celles d’une toute jeune femme – Catherine Millet – d’installation dans une société intellectuelle, celle des années 1960. Un temps d’autrefois que le vieux Lecteur a bien connu, une société qu’il a effleurée, aux marges de laquelle il a vécu. Il se ressent donc de bien des affinités tant à l’égard de la très jeune femme de ces années-là que de la Narratrice d’aujourd’hui. Celle qui a accompli sous le regard médusé dudit vieux Lecteur la prouesse de ne rien renier, de n’allumer aucun brasier, de ceux qui d’ordinaire servent à éliminer les scories, les souvenirs qui ne se racontent pas. Il s’est retrouvé dans les pas de cette jeune femme, du côté d’un hebdo qui compta tant pour elle que pour lui. Les Lettres Françaises. Non seulement la fascinante présence de Louis Aragon. Mais aussi celle de toutes les autres « plumes », qui conféraient à l’hebdo son exceptionnelle palette de couleurs, laquelle nourrissait alors le jeune homme qui venait tout juste de s’extirper de sa province. Son regard a peut-être croisé celui de Catherine Millet lors de l’un ou l’autre des vernissages d’expositions auxquelles il était parfois convié.

Récit empreint de nostalgie, c’est certain. Mais qui fait revivre sans rien de larmoyant ni de moralisateur un temps désormais forclos mais que Catherine Millet dépeint avec une sincérité désarmante.

« Plus tard dans la vie, j’ai souvent regardé avec scepticisme les femmes extravagantes en raison de leurs vêtements et de leur attitude, celles qui ne s’habillent qu’en noir, celles qui portent de grands chapeaux en toutes circonstances ou qui sont curieusement fardées, les exhibitionnistes qui simultanément cultivent le mystère, ou celles encore dont on dit qu’elles sont des « personnages », parce que je soupçonne dans ce comportement une ambition artistique inaboutie : ne se fabriquent-elles pas un personnage dans la vie parce qu’elles sauraient en faire vivre un dans une œuvre d’imagination, ou parce qu’elles ne parviennent pas à être celle que le public regarde comme une personne à part, l’écrivain lui-même, l’artiste ? »

Commencements

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