« Arène »

DJAVADI Négar

(Liana Levi)

Le Lecteur laissa percevoir l’enthousiasme qu’avait généré, voilà deux ou trois ans, sa découverte du premier roman de Négar Djavadi, Désorientale, romanpublié chez la même Editrice (note de lecture présente sur ce blog).

« Arène » lui laisse un sentiment plus mitigé, plus nuancé aussi. Comme si ce roman à l’écriture cinématographique lui avait fait perdre son souffle tant son rythme est effréné. Sans toutefois le priver de son esprit critique.

L’histoire que raconte l’Auteure s’ancre dans le temps présent, avec la prééminence des outils qui caractérisent ce temps présent. Cette histoire débute par un fait divers d’une grande banalité : le vol d’une machinerie électroniquante. L’outil de travail de Benjamin, un jeune homme bien sous tous rapports, qui fait fructifier son talent (son potentiel ?) au sein d’une société spécialisée dans la fabrication et la diffusion de séries à succès. S’en suit la mort du voleur dont le cadavre git sur les rives du canal saint Martin. L’irruption des flics. Une scène filmée par une lycéenne puis rendue visible sur les réseaux dits sociaux. Les coups de pied donnés au cadavre par un flic, une femme qui plus est. L’embrasement quasi instantané de l’est parisien, le Paris encore populaire. Sous le regard des médias. Avec l’irruption de personnages empressés de récupérer ce qui peut l’être encore dans ce déchaînement de violence (une candidate à la mairie de Paris, par exemple).

Le Lecteur n’a « fonctionné » que par à-coups avec ce roman-ci. Lorsqu’il a retrouvé l’Auteure de Désorientale qui avait su alors faire vivre avec une exceptionnelle acuité des gens venus d’ailleurs et qui cherchaient les pistes susceptibles de leur ouvrir une place, fut-elle modeste, au sein de la société française. Certes, Arène met le doigt sur les conséquences du dysfonctionnement de cette société-là, sur son incapacité ou son refus d’intégrer celles et ceux qui sont dans l’attente de miettes d’avenir. Sauf qu’a vouloir ne la parcourir qu’à sa surface, Négar Djavadi oublie d’en explorer les profondeurs, donc de mettre en exergue les causes de la gangrène collective.

Le Lecteur ne jettera pas le bébé avec l’eau de son bain. Il y a des passages d’une rare puissance dans ce roman-ci. Mais Négar Djavadi y aurait peut-être gagné en débarrassant son récit de ses scories cinématographiques pour le nourrir du véritable élan littéraire qui, c’est vrai, affleure parfois, mais n’atteint pas au niveau exceptionnel qui fut celui de Désorientale.

Arène

Partager cet article