"La Maîtresse de Brecht"

Jacques-Pierre AMETTE

(Albin Michel)

Le Lecteur avait de manière délibérée ignoré ce roman lors de sa publication (en 2003?). Trop proche à certains égards de Brecht. Et puis, le hasard aura voulu qu'il (re)trouve le dit roman sur l'un des étalages aux occasions de la librairie Gibert Jeune. Il en fit donc l'acquisition pour la modeste somme de trois euros. Un investissement qu'il ne regrette nullement. Car, et en dépit de l'air du temps, voilà un roman qui ne s'accorde aucune facilité et s'évite avec intelligence les pièges de la caricature. Puisqu'il eût été de bon ton de persifler sur le compte du Brecht qui s'en revint d'exil en 1948 et eût l'outrecuidance de s'installer à Berlin Est pour y prendre la direction d'une des plus prestigieuses institutions culturelles de l'ère communiste (le Berliner Ensemble).

Les inquiétudes (ou les préjugés?) du Lecteur étaient donc vaines. Amette narre le retour puis l'installation de l'écrivain et dramaturge avec cette objectivité qui sied d'ordinaire à l'historien. Il raconte comment la Stasi en gestation "enrôle" Maria Eich, jeune comédienne, dont la mission sera d'espionner Brecht tout en gagnant sa confiance, et même un peu plus que sa confiance. Le roman est également une sorte de révélateur sur ce qui a pu conduire tant d'hommes et de femmes à s'engluer dans les rets de la bureaucratie. En ces temps-là, Staline règne sur "l'empire" communiste. Et Brecht lui-même, le libertaire, peine à s'extirper du magma.

La fiction mise en scène par Amette restitue avec une évidente cohérence ce que furent les cheminements de celles et ceux qui s'aveuglèrent aux reflets des étranges lumières qui rayonnaient à partir du Kremlin. Le Lecteur insiste: point de caricature, pas la moindre trace de ces règlements de compte qui font les délices des maîtres penseurs inféodés au système dominant. Un vrai roman qui donne une féroce envie de revenir vers l'oeuvre de Brecht, de retrouver quelques-uns des textes découverts en des temps que les moins de cinquante ans ne peuvent évidemment pas connaître.

Jacques Pierre Amette : La maîtresse de Brecht

La maîtresse de Brecht

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