« Viens me retrouver »

VENDEL Pierre

(Le Chasseur Abstrait)

Il est toujours difficile pour le Lecteur de se confronter à un roman qui lui fut suggéré par celui qui en est l’Auteur. Il s’y est toutefois résolu, s’efforçant de relativiser les a priori, d’oublier les quelques phrases échangées tout autant que la découverte d’un précédent recueil de poèmes. Il y est parvenu.

Voici donc un premier roman publié par un jeune écrivain chez un éditeur « marginal ». Sans doute faut-il en commencer par là, et le Lecteur admet bien volontiers qu’il s’agit d’un point de passage obligé. Le Chasseur Abstrait n’a pas eu tort d’accorder sa confiance à Pierre Vendel. Le parti pris initial est pourtant particulièrement ambitieux : bâtir l’œuvre autour du conflit qui oppose le narrateur et le personnage auquel l’écrivain est sensé donner vie. Donc, d’un côté, Daniel, le romancier d’origine tchèque. Et de l’autre, Jean, le personnage que d’ordinaire l’on dit « principal ». Jean s’est épris de Camille, jeune femme dont les parents sont morts au Kenya dans un accident de voiture. Le romancier s’attelle à l’écriture, doute, s’interroge, s’égare, revient sur ses pas et finit par imaginer, pour que le récit puisse enfin progresser, d’éliminer Camille. Sauf que Jean, lui, ne l’entend pas de cette oreille-là. Pierre Vendel excelle par moment dans la mise en scène de cette dualité. Daniel, celui qui crée la fiction, et Jean, celui qui, sous la plume de Daniel tente de s’en affranchir et donc d’inventer sa propre fiction. « Petit à petit,il (Daniel) devenait acteur de la fiction qu’il avait créée. Il ne savait pas jusqu’où cela l’emmènerait… »

Le personnage échappe donc peu à peu à son créateur et prend en main la mise en scène de sa propre existence tout autant que celle des autres personnages. Dont, bien évidemment Camille. Le récit s’accélère. Débute alors une étrange odyssée qui conduit Jean et Camille sur les traces du papa de la jeune femme. Un papa pas vraiment mort. C’est sans doute dans la narration de cette odyssée-là que Pierre Vendel a parfois donné l’impression de trop en faire en accumulant des situations qui édulcorent le propos initial, qui parfois même en inversent les données. Mais l’ensemble est tout de même servi par une écriture qui surprend chez celui qui écrit là son premier roman. Le romancier n’a point marginalisé le jeune poète, celui que le Lecteur avait découvert voilà trois ou quatre ans. Un constat prometteur, du moins à ses yeux de Lecteur exaspéré par les couches de conformisme sous lesquelles somnolent les belles lettres françaises.

(Il vous faudra peut-être vous armer de patience si vous souhaitez faire l’acquisition de ce roman. « Le Chasseur abstrait » est un éditeur mal fréquenté, même par les plus compétents des libraires.)

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