« La capitale »

MENASSE Robert

(Verdier)

Contrairement à ce que laisse entendre l’énoncé de son patronyme, Robert Menasse est un Ecrivain autrichien. Ce qui n’est toutefois pas suffisant pour faire de lui un européen convaincu. Européen au sens où cela se conçoit au cœur de la capitale de ce qui n’est ni un pays ni, a fortiori, une nation. Bruxelles. Où siègent ceux (beaucoup plus que celles) qui font la pluie plus que le beau temps à l’intention de peuples désormais recroquevillés sur leurs incertitudes (et donc leurs peurs ou, tout au moins, leurs angoisses).

Le Lecteur ne se trahira pas : la fréquentation de ce roman lui procura moult plaisirs. La satire des mœurs « commissionnaires » relève du jubilatoire. Les personnages, hauts en couleurs, confèrent à cette satire un côté explosif. Quelques hauts fonctionnaires de l’administration bruxelloise se sont sans doute reconnus dans l’un ou l’autre des aventuriers apôtres de la modernité néolibérale et propagandistes zélés de la machinerie supra-étatique qui les nourrit grassement.

« Un expert financier grec était en train de décrire minutieusement la manière dont s’était constituée la dette publique grecque et expliquait, avec l’autorité d’un homme qui était allé se mettre à l’abri à Oxford, que rien n’irait sans de nouvelles et profondes coupas dans le système social grec. Un politologue – un Italien, comme par hasard – l’avait immédiatement approuvé et avait rappelé la nécessité de respecter les critères de stabilité. Il gesticulait, les deux mains aux doigts tendus décrivant des huit, comme s’il dirigeait un chœur d’enfants… »

Le Lecteur a ri. Souvent. La satire lui a convenu. Le mélange des deux genres – le polar et le roman d’espionnage – comme outils de camouflage d’une œuvre au demeurant ambitieuse l’a parfois plongé dans le ravissement. Mais au bout du compte, que lui est-il resté une fois le livre refermé ? Que contient la substantifique moelle de ce roman qui se veut effectivement ambitieux ? Peut-être la désagréable impression d’avoir été entraîné à l’insu de son plein gré dans un jeu de dupes. La satire ne se limite-t-elle pas à donner corps à une critique superficielle ? Robert Menasse n’est-il pas du côté de ceux qui pensent qu’il suffirait de modifier les méthodes de gouvernance pour rendre à cette Europe qui se délite les apparences de la respectabilité ? Le sentiment de malaise à l’égard de cette œuvre s’ancre chez le Lecteur. En dépit des instants de plaisir évoqués ci-dessus.

La capitale

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