« Classé sans suite »

MAGRIS Claudio

(L’Arpenteur)

Le Musée des horreurs guerrières. Celui auquel un habitant de Trieste avait noté naissance en 1945, avant qu’un incendie ne mette très vite un terme à son projet. Un fait réel qui constitue le point de départ du roman de Claudio Magris. Les différents armements, les instruments d’extermination, tout ce que le « génie » humain avait imaginé, réalisé puis utilisé sur le théâtre des opérations militaires. Un ensemble hétéroclite à la vocation pacifiste ? L’initiateur, disparu dans l’incendie, n’avait peut-être répondu à cette question-là.

C’est à Luisa Brooks qu’il revient de reconstituer ce qui peut l’être du Musée et de mettre en ordre les archives qui ont échappé aux flammes. Dont les carnets intimes du collectionneur. Luisa Brooks est la fille d’une italienne juive d’origine et d’un militaire américain, probable descendant d’esclaves. Elle se consacre pleinement à ses tâches. Celles d’archiviste. Conduite à découvrir dans les carnets intimes du défunt les noms et qualités de ceux et celles qui collaborèrent avec l’occupant nazi. Des fascistes italiens, bien évidemment. Dans une ville dont les nouveaux maîtres semblent préférer l’amnésie. D’autant plus nécessaire à leurs yeux que Trieste « accueillit » dans une ancienne usine appelée « La Rizerie » l’unique camp d’extermination des juifs sur le sol italien.

« Lettres anonymes, dénonciations, vengeances. Faussetés et vérités encore plus destructives que tous les mensonges. Arabesques de la plume, labyrinthes qui vous enferment dans leurs filets, vous font perdre votre route et vous perdre… »

Ce roman est à l’opposé de l’exaltation des guerres telle qu’elle se pratique toujours, y compris dans les sociétés dites démocratiques. Il interroge. Il exprime, aux yeux du Lecteur, les frustrations et les inquiétudes de l’Auteur à ce que tentent d’imposer les différentes versions des Histoires nationales. Claudio Magris vise à établir un lien entre toutes ces humanités qui furent contraintes de s’affronter dans de sanglants combats. Comme une invite à écrire une autre histoire, celle de l’Humanité en sa globalité. Ce que suggère sans doute ce dérangeant roman « philosophique » qui passionna le Lecteur.

« Un musée de la Haine. C’était une autre de ses idées, il y a beaucoup de notes à ce sujet. La guerre à vrai dire n’a pas grand-chose à voir avec la haine, aucune des deux n’a besoin de l’autre. Des bombes sur la tête des gens qu’on ne hait pas, et c’est vrai qu’une fois la guerre finie ceux qui les lançaient et ceux qui les prenaient sur la tête se serraient la main, et qu’on se retrouve dans des réunions nostalgiques d’anciens combattants naguère ennemis y compris au nom de ceux qui sont morts au combat, les tombeaux s’ouvrent, les morts se lèvent et se donnent la main. La haine est plus vraie, plus pure que la guerre ; elle n’est pas sentimentale, elle ne chante pas Lili Marlene, elle n’a besoin ni de champs de bataille ni d’armes. Il lui suffit d’un cœur et d’une tête. »

Classé sans suite

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