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Lectures
3 décembre 2021

Milkman

burns

 

 

 

 

 

 

 

 

« Milkman »

BURNS Anna

(Joëlle Losfeld)

 

L’Irlande du Nord. Celle du début des années 70. Une guerre civile qui oppose catholiques et protestants. La fidélité à l’Angleterre ou bien l’intégration à l’autre Irlande, indépendante celle-là. Et dans cette contrée où les violences ne connaissent plus de limites, une jeune femme sourde aux injonctions des uns et des autres, qui marche dans les rues d’une ville qui n’a pas de nom et qui lit tout en marchant, pour s’abstraire à cet environnement. Elle non plus n’a pas de nom, tout comme sont privés de noms celles et ceux qu’elle côtoie. Celles et ceux qu’elle affuble de patronymes qui ne sont rien d’autre que de repères destinés aux gens curieux qui se hasardent à explorer les profondeurs de ce roman-là.

Le vieux Lecteur fut de ceux-là. Tant la guerre irlandaise lui fut comme une obsession dont il ne parvint pas, en ces années lugubres du grand déchirement, à se défaire. Lui qui s’informait alors via les reportages de Sorj Chalandon publiés dans Libé. Cet étrange et fascinant roman, il l’a parcouru jusqu’à son terme, retrouvant certaines des émotions qu’avaient autrefois généré son immersion dans la narration des abominations perpétrées en ce pays si proche du sien.

Qu’en reste-t-il, quarante ans plus tard, sous la plume d’une Auteure qui n’était qu’une enfant lorsque se déroula la tragédie ? Un climat général bien évidemment fait d’intolérances réciproques ? La peur ? L’incrédulité ?

La narratrice est cette jeune fille sans nom dont les errances pédestres vont la conduire à rencontrer le laitier. Milkman. Sous le regard des autres qui sont eux aussi des Irlandais. Dont la mère de la jeune Narratrice. Et qui sont à l’image de ce qu’une société déchirée a fait d’eux. Mais pour le vieux Lecteur, au fil des pages, s’est insinué l’étrange sentiment que la guerre racontée dans le roman ne correspondait pas tout-à-fait à celle qu’il découvrit voilà quarante ans. Cette guerre-là ne fut pas seulement une guerre de religion(s). Elle fut aussi celle d’une tentative de désentravement, d’une décolonisation. Face à un colonisateur tout aussi retors que violent et cruel, qui incarnait l’empire britannique. Celui que dirigea Margareth Thatcher, laquelle, en 1981, laissa mourir dans d’effroyables conditions les dix grévistes de la faim membres de l’IRA qui croupissaient alors dans les geôles anglaises. Dont Bobby Sands. Quarante ans après ces tragiques événements, il est des pages de l’Histoire qu’il est indécent de taire. Même si la narration « objective » de l’Histoire ne relève pas de la responsabilité de l’Ecrivaine.

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