Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Lectures
13 octobre 2021

Lilas rouge

lilas_rouge1-652x1024

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Lilas rouge »

KAISER-MÜHLECKER Reinhard

(Verdier)

 

Un fastueux roman autrichien. Un roman à l’intérieur duquel le Lecteur s’est enclos durant une longue semaine. Dont il s’extirpa comme ébloui. Bien qu’il ne fut a priori que fort peu intéressé (concerné ?) par la narration de l’histoire de Ferdinand  Goldberger et de sa descendance. Une famille d’agriculteurs. « Oui, la ferme close de tous côtés se dressait sur le plat d’une colline, et elle se trouvait à peu près au centre du terrain. Elle était entourée de forêts et de prairies, d’un verger de haute tige et de quelques arbres fruitiers esseulés, et délimitée sur trois côtés par des bois où poussaient surtout un fouillis de chênes, d’épicéas, de hêtres et de bouleaux, et, ici et là, en lisière de forêt, des saules et des aulnes. Les limites du domaine couraient à travers les parcelles boisées. Il n’y avait qu’au sud que la vue était libre et dégagée ; on ne distinguait qu’une seule autre ferme, moins imposante que dans la nuit ; et à l’arrière-plan se dressait, immense, encore noir et blanc et sans un soupçon de bleu, la montagne à laquelle ses yeux et son âme devrait s’habituer… » Le décor est planté. C’est là, à Rosental, un village de Haute-Autriche que Ferdinand Goldberger, sa fille Martha et leur lignée vont vivre et prospérer.

L’installation s’est opérée au début des années 1940. Au printemps. Dans des conditions rocambolesques. Ferdinand Goldberger, notable nazi, a dû fuir pour d’obscures raisons l’autre village, celui où il officiait. A Rosental, une nouvelle vie commence. En ces années de guerre, dans un premier temps. Puis, l’Allemagne nazie vaincue, dans une Autriche en quête de prospérité et dont l’adhésion à l’Union Européenne constituera un tremplin vers la croissance sans que le long épisode nazi ne soit vraiment exorcisé. Une croissance qui toutefois laissera sur le flanc nombre de petits agriculteurs. Mais les Goldberger, eux, s’en tireront plutôt bien. Ferdinand le père (allié à sa plus proche voisine, laquelle deviendra sa compagne), puis Ferdinand le fils, avant que Thomas le petit-fils ne prenne en mains les rênes de l’exploitation et ne lui confère tout son lustre. Thomas dernier élément de la lignée et point final d’une dynastie ? Peut-être pas puisque Ferdinand le fils eut lui-même un fils prénommé Paul exilé en Bolivie.

Donc l’histoire d’une famille, les Goldberger. Avec en toile de fond l’Histoire d’un pays marqué, que ses élites le veuillent ou non, par le nazisme dont il ne fut pas une victime mais un « collaborateur ». Un récit magistralement conduit. Un roman d’une remarquable densité qui époustoufla le Lecteur. Un roman au sein duquel le Lecteur vécut au rythme des saisons, passant des hivers rigoureux aux étés flamboyants après s’être arrêté de longs moments dans la splendeur des printemps et avoir goûté aux délicates senteurs des lilas rouges (ceux que Martha avait emporté lors de l’exil initial). Les travaux de la terre, les soins apportés aux animaux d’élevage. Du vieux cheval qui tira la carriole sur les chemins de cet exil jusqu’aux agneaux de Thomas si appréciés par les restaurateurs et les aubergistes du pays haut. Une narration qui s’accorde au rythme d’une vie pastorale, laquelle n’est évidemment pas harmonie.

Et puis, aux yeux du vieux Lecteur, ce roman est valorisé par une traduction d’une rare qualité (celle d’Olivier LE LAY). Une restitution remarquable d’un texte qui se situe dans la lignée des grands écrivains autrichiens, à commencer par Thomas Bernhard. Un roman hors des modes contraignantes. Une découverte fascinante.

« Ils connurent alors des années sereines. La paix régnait à la ferme. Thomas et Sabine avaient scellé leur union – ce fut un beau mariage en petit comité, à Rosental. Les ruines de la maison d’Elisabeth avaient été déblayées, on s’était remis à cultiver les champs – ils ignoraient cependant qui s’en chargeait et pour le compte de qui -, aussi le souvenir du drame n’était-il plus sans cesse présent à leurs yeux. Anna, épaulée à l’occasion par Maria, consacrait la plus grande partie de son temps au jardin et aux somptueux massifs floraux qui devançaient la maison. Thomas, même si l’étendue de son cheptel s’était réduite, avait encore fort à faire du matin au soir ; Sabine avait su prendre le relais de Ferdinand et le secondait bien souvent, y compris aux champs… »

Publicité
Publicité
Commentaires
Lectures
Publicité
Publicité