Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Lectures
25 mars 2020

Giono, furioso

giono

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Giono, furioso »

LAMBERT Emmanuelle

(Stock)

 

« Tout tient en fait dans cette phrase simple : « Il n’y a pas de héros. » Vous continuerez de le penser pendant la Seconde Guerre, vous continuerez à le penser jusqu’à la fin de votre vie, même revenu en pleine gloire, sorti de prison, blanchi et définitivement assis sur votre trône de grand écrivain. A la tête d’une des œuvres les plus importantes du siècle, et avec votre demi-sourire qui nous toise et nous défie.

Alors, vous aurez gagné. On aura retrouvé ce génie de Giono. Cependant cette victoire sera triste. Les torrents de boue des années d’Occupation ont noyé votre soleil. Ils vous ont ôté ce que même la Grande Guerre avait échoué à vous prendre : votre pureté. Un chien vivant vaux mieux qu’un lion mort. »

Le Lecteur s’est promené non sans plaisir dans ce bouquin qui évoque plutôt bien Giono, l’un parmi la douzaine d’écrivains « d’hier » qui ont donné et donnent encore sens à sa vie. Sans toutefois jamais s’extasier. Heureux de retrouver Jean le Bleu sous une plume alerte quoique fort peu iconoclaste. Mais le Lecteur ne le reproche pas à Emmanuelle Lambert. Il a donc accepté quelques-unes des tirades les moins conventionnelles, et cette façon si familière qu’a laissé entrevoir celle qui s’installa, l’espace d’à peine plus de 200 pages, tout près du Géant. Sans toutefois prendre les risques qui furent ceux qu’assuma, il y a bien longtemps, Taos Amrouche. Normal : Giono décéda voilà bientôt cinquante ans. Circonstances particulières qui autorisent toutes les hypothèses, jusques aux plus insensées.

Un bouquin non dénué d’intérêt. Une pierre joliment ciselée à installer dans le jardin posthume de l’Homme de Manosque. De beaux instants de clairvoyance. Le refus qu’assume également le Lecteur d’amalgamer Giono et Provence. La lucidité de cet Ecrivain qui pressent les désastres à venir. Son pacifisme obsessionnel dont il ne se défera pas lors des années les plus sombres de l’Occupation évoquées ci-dessus par Emmanuelle Lambert. Donc ni trahison ni même détournement. Mieux même : l’émergence pour qui ne connaîtrait pas l’œuvre de Giono du désir, lors de la découverte de cette œuvre, de se laisser emporter par cette « fureur » salvatrice.

« Les écrivains qui ont laissé l’instruction encore jeunes sont d’un jus particulier. Ils se sont frottés contre la beauté sans intermédiaire. Aucun passeur de légitimité pour canaliser l’énergie, l’orienter vers ce qui se fait, ce qui se dit, doit se dire ou ne se dit pas, ou plus. Aucun professeur d’utilité. Que du gratuit.

Leurs lectures se sont épanouies comme à l’écart de la société. Bien sûr, c’est un faux écart, son existence même, le fait même que ces gens, d’origine humble, s’adressent à l’art et à la beauté est déjà un geste politique du fait de leur audace. Ils se déplacent sur l’échiquier sociel, et se posent où personne ne les espère, là où même, ils pourraient être moqués. »

Voilà qui est plutôt bien exprimé. Le bouquin d’Emmanuelle Lambert entrouvre des portes, quelques-unes de celles d’une œuvre monumentale (en ces temps de confinaison, le Lecteur relit Le hussard sur le toit).  Libre aux voyageurs en littérature de s’engouffrer ensuite et de se perdre dans les profondeurs de cette œuvre-là.

Publicité
Publicité
Commentaires
Lectures
Publicité
Publicité