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Lectures
21 octobre 2019

Les choses humaines

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« Les choses humaines »

TUIL Karine

(Gallimard)

 

Une immersion totale dans ce roman qui, paraît-il, fait polémique dans le petit monde de la littérature. Pris par le récit, le vieux Lecteur ne s’est accordé aucun répit. Il a voulu comprendre les intentions de l’Auteure plus que connaître l’issue de l’affaire.

L’affaire ? Le viol présumé d’une jeune femme par le fils de la maîtresse de son papa. Une plainte déposée en bonne et due forme. Un procès, avec toutes les péripéties qui le précédèrent. L’enquête. L’affrontement des deux parties. D’un côté, les Farel et leur fils Alexandre. Jean, le père, journaliste tourné vers le politique, star de la télévision et interviewer émérite. Claire, la mère, intellectuelle connue pour ses engagements féministes. De l’autre côté, les Wizman, une famille juive, parents séparés depuis que le père est devenu l’amant de Claire et que la mère est partie vivre à New York, entraînant avec elle sa fille cadette et se rapprochant des milieux orthodoxes.

Le roman s’inscrit dans le tumulte naît des affaires, non seulement de viols mais aussi de harcèlements sexuels, qui défraient les chroniques et génèrent des affrontements accompagnés d’anathèmes provoquant chez le Lecteur de l’incrédulité et une évidente incapacité à se déterminer et donc à se positionner.

Fut-il, ce Lecteur, manipulé par Karine Tuil, au point que, le livre refermé, sa compréhension des « choses humaines » en soit, lorsqu’il rédige cette note, toujours altérée ? Pris par son propre désir d’atteindre au plus vite le dénouement, n’a-t-il pas pris dans sa hâte le parti des Farel plutôt que celui des Wizman ? Alors que ses réflexes « innés » l’auraient, d’ordinaire, conduit à une détestation sans concession des Farel, arrimés à la société des parvenus et manifestant, du côté de Jean, le père, un goût immodéré pour la fréquentation des Puissants. A-t-il douté de la réalité du viol ? A-t-il un seul instant imaginé qu’il y avait eu consentement de Mila, la jeune femme ?

S’il formule ces interrogations, c’est qu’il fut en quelque sorte convié par Karine Tuil à prendre position et à s’intégrer au groupe des jurés chargés de juger le présumé violeur. Et que donc en son âme et conscience, après avoir entendu les réquisitoires puis les plaidoiries, il serait dans l’obligation de se prononcer en faveur de l’une ou l’autre de deux parties. Alors qu’il ne se confrontait qu’à un roman, une tentative plutôt aboutie d’aborder à des questionnements qui déchainent les passions et qui, de ce fait, empêchent de raison garder. Ce que Claire, la mère du présumé violeur et par ailleurs son propre fils, explicite . « Pour Claire, le dilemme, c’était de vivre une telle promesse de réorganisation sociétale – les femmes racontaient enfin ce qu’elles avaient vécu, quelque chose d’important se jouait là dans cette réappropriation publique de leur valeur, cette écoute attentive de leur parole – et, dans le même temps, d’analyser avec le plus d’objectivité possible ce qui était raconté au procès alors que, sous le prisme de l’émotion et de l’affectivité, tout lui paraissait vivié, excessif, à charge – son fils risquait jusqu’à quinze ans de prison et elle devait l’accabler ? Toute sa vie durant, elle n’avait fait qu’agir en contradiction avec les valeurs qu’elle prétendait publiquement défendre. C’était ça, le violence : le mensonge – une représentation falsifiée de son existence. Le déni : la voie qu’elle avait substituée au réel pour pouvoir le supporter. »

Donc, et au bout du compte un roman (balzacien ?) qui ne peut laisser indifférent.

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