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Lectures
9 septembre 2019

La contrevie

La-contrevie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« La contrevie »

ROTH Philip

(Folio 4382)

 

Relecture tout aussi exaltante que lors de la première découverte de ce roman de Philip Roth, voilà une trentaine d’années de cela. Enthousiasme intact. Du moins si le Lecteur s’en tient à ses souvenirs.

Relecture qui s’inscrit dans un retour sur la totalité de l’œuvre de Philip Roth, un des Ecrivains qui occupe une place singulière dans son Panthéon littéraire.

Le Lecteur reviendra sur « La contrevie » lorsqu’il en aura terminé avec l’histoire de Nathan Zuckerman (quatre romans), écrivain lui aussi, et dont les cheminements, ici, le conduisent de Newark à Londres puis à Jérusalem. Avec des pages ô combien magistrales sur la question du sionisme et de ses évolutions.

« Pour être le Juif que j’étais, c’est-à-dire le Juif que je voulais être, ni plus ni moins, je n’avais pas davantage besoin de vivre dans une nation juive qu’il ne se sentait obligé, si j’avais bien compris, de prier à la synagogue trois fois par jour. Mon paysage à moi, ce n’était pas le désert du Néguev ni les collines de Galilée, ni la plaine côtière de l’ancienne Philistie, c’était l’Amérique immigrante et industrielle – Newark où j’avais grandi, Chicago où j’avais étudié, et New York où j’habitais un sous-sol dans une rue du Lower East Side, parmi les pauvres ukrainiens et portoricains. Mon texte sacré, ce n’était pas la Bible, mais des romans traduits du russe, de l’allemand et du français dans la langue où je commençais à publier mes histoires – et ce qui me faisait vibrer n’était pas la sémantique de l’hébreu classique, mais le tempo nerveux de l’anglais américain. Car moi, lui faisais-je valoir, je n’étais pas un Juif rescapé des camps de la mort en quête d’un havre hospitalier, ni un Juif socialiste pour qui la première source d’injustice réside dans les maux du capital, ni un Juif nationaliste pour qui la cohésion est une nécessité politique, ni un Juif croyant, ni un Juif érudit, ni un Juif xénophobe ne supportant pas la proximité des goyim. Moi, j’étais le petit-fils américain de simples marchands galiciens qui, à la fin du dix-neuvième siècle, étaient parvenus tout seuls à la conclusion prophétique de Theodor Herzl, à savoir qu’ils n’avaient pas d’avenir dans l’Europe chrétienne, qu’ils ne pouvaient pas continuer à être eux-mêmes sans déchainer la violence de forces sinistres contre lesquelles ils étaient absolument sans défense. Sauf qu’au lieu de sauver le peuple juif de la destruction en lui fondant une patrie au fin fond de l’Empire ottoman, dans ce qui avait été la Palestine biblique, ils avaient simplement sauvé leur peau de Juifs. Si le sionisme consiste à prendre en main la responsabilité de sa survie en tant que Juif plutôt que de s’en remettre aux autres, alors c’était leur tendance au sein du sionisme. Tendance opérationnelle. Moi, contrairement à eux, je n’avais pas grandi cerné par une paysannerie catholique patibulaire, dont le curé du village ou le hobereau n’avaient aucun mal à exciter la ferveur judéophobe ; qui plus est, les titres de mes grands-parents à la légitimité politique n’avaient pas été revendiquée parmi une population étrangère indigène qui ne se sentait pas tenue de respecter les droits bibliques des Juifs et qui n’écoutait pas s’une oreille complaisante ce que disait un dieu juif dans un livre juif sur le territoire inaliénable des Juifs. A terme, il n’était pas exclu que je ne me trouve plus en sécurité dans mon pays natal que Mr Elchanan, Shuki et leurs descendants ne la seraient jamais dans le leur. »

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