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Lectures
18 janvier 2019

L'églantine et le muguet

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« L’églantine et le muguet »

SALLENAVE Danièle

(Gallimard)

 

Le Lecteur s’était tenu à distance de Danièle Sallenave depuis le jour où cette écrivaine qu’il avait autrefois beaucoup appréciée fut admise au Mouroir. Dans la proximité de d’Ormesson et de quelques autres cadavres si caractéristiques de la littérature franchouillarde. Il avait même dissimulé les quelques ouvrages dont il avait fait l’acquisition avant même l’élection de Tonton derrière ceux d’auteurs à ses yeux plus fréquentables. En dépit de l’intérêt qu’il avait alors porté aux premières pierres de ce qui à ses yeux s’apparentait alors aux prémices d’une œuvre.

Mais en ce début d’hiver, le Lecteur a fait fi de ses rancunes. Il s’est attelé à la découverte de « L’églantine et le muguet ». Sans en perdre une seule phrase. Pour parvenir à cette conclusion : Danièle Sallenave n’est pas morte. Mieux même : cette dame qui est de deux ans son ainée est toujours bien vivante. Capable d’accomplir un travail monumental dont la narration l’a réjoui, lui, le Lecteur. Un passionnant objet littéraire qui n’a cessé non seulement de l’interroger mais aussi de le confronter à ses contradictions, lui qui se hasarde, de temps à autre, à exprimer quelques virulentes critiques sur ce qu’il advient du pays dans lequel il naquit par hasard. Les deux siècles des Républiques observés depuis le pays qui fut celui de Danièle Sallenave, les Mauges, de Cholet à Angers. Le pays d’une enfance et d’une adolescence, au cœur duquel s’immergent ses racines familiales. Le pays d’une guerre qui se raconte si peu et si mal dans les livres destinés à enseigner l’histoire aux enfants et aux adolescents qui fréquentent les écoles de la République. Face au catholicisme, son église et ses prélats. Face à la noblesse et ses sbires. La confrontation entre « l’églantine rouge, fleur de la fête du Travail, rivale du muguet », lequel muguet la supplanta à l’initiative de Pétain.

Donc la guerre de Vendée. Puis les guerres scolaires. Mais encore l’autre guerre, celle qu’il est indécent d’évoquer aujourd’hui : la lutte des classes. Le monde ouvrier face à l’aristocratie et aux agents de l’état. Sans oublier les guerres coloniales. Danièle Sallenave raconte tout cela. Elle, la fille d’instituteurs de la « laïque », une mère et un père militants de la belle et bonne cause, dont (et bien qu’académicienne, elle assume l’héritage.

« Nés dans ces années-là (les années 40, NDRL), nous sommes aussi les enfants d’une génération malmenée. Nous avons été élevés par des parents qui demeureront tout le reste de leur vie tourmentés par le souvenir des catastrophes en cascade. Ils étaient enfants pendant la Grande Guerre, ils ont subi la seconde, connu au mieux la séparation, la captivité pour les hommes, la solitude pour les femmes… Notre enfance à nous se passera aux temps difficiles de la reconstruction : privations, secrets cachés, illusion d’unité dans un pays tout récemment encore déchiré et meurtri. Pendant ce temps, l’opprobre colonial continue de prospérer, avec ses effets, dont en Algérie le recul de l’instruction, pourtant bien rudimentaire. En 1944, huit Arabes sur neuf sont illettrés, alors qu’en 1847, « l’instruction en arabe était assez générale, du moins en ce qui concerne lire, écrire et compter. ». L’autre étant l’inévitable sursaut des colonisés, réprimé à Sétif, comme on le sait, au prix de milliers de morts. »

Le Lecteur se ressent du désir d’offrir à Danièle Sallenave un beau bouquet d’églantines. Afin de lui exprimer sa gratitude pour ce livre hors norme avec lequel il fut constamment en symbiose.

 

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