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Lectures
8 juin 2018

Mourir après le jour des rois

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« Mourir après le jour des rois »

DE LA ESCALERA Manuel

(Bourgois)

 

Un grand coup de cœur. Cette rencontre imprévue avec un Ecrivain mexicain (mais qui exerça pour l’essentiel ses talents sur le Vieux Continent). Une rencontre qui bouleversa le Lecteur. La Guerre d’Espagne, le temps d’une nuit, s’en revint jusqu’à lui. Ou, plus exactement, ce qu’il advint à la périphérie de cette Guerre. Le combattant républicain arrêté, embastillé, torturé et si vite jugé par les sbires de Franco. Condamné à mort. Donc de l’attente du petit matin où les fascistes le fusilleront. Sauf qu’au pays de Franco, et puisque les Vaticancaneurs y occupent une position centrale, il n’est pas d’extermination qui soit perpétrée durant la période qui va de Noël à l’Epiphanie. Donc une très longue, une douloureuse attente. Durant laquelle, au jour le jour, Manuel De La Escalera décrit sa vie parmi ses camarades dans les geôles où la vie compte pour si peu. Avec les souvenirs qui ressurgissent. Avec ses flamboyants instants de la fraternité et du partage. Avec les infinies souffrances à peine dévoilées. Une écriture dans les conditions si particulières de l’embastillement. La nécessité de dissimuler le travail accompli, de le préserver contre les fouilles incessantes. Et donc ce texte hors du commun qui ressurgit quasiment du néant.

« Une chose est sûre, c’est que la vie, malgré tout, reprend son rythme normal. Le temps qu’il nous reste à vivre, deux mois, tandis que la sentence suit son cours et qu’elle est approuvée par le Conseil des Ministres de Madrid après être passée entre les mains du capitaine général, nous semble extrêmement long. Et bien que nous vivions d’aumônes, nous vivons normalement. En règle général, le sommeil est profond et l’appétit est bon. J’ai quant à moi été étonné de me voir manger avec plus d’appétence que dans la rue. Peut-être est-ce une réaction de défense de l’organisme ; je ne sais pas. J’ignore aussi si ce bel appétit prendra fin lorsqu’approchera le terme des deux mois. Mais pour le moment, au bout de deux ou trois jours, nous nous sommes, les nouveaux, déjà acclimatés. La tragédie ne peut se prolonger davantage sans devenir ordinaire et perdre en intensité ; le condamné vit alors d’une  manière plutôt tranquille, en attendant la fin tout en sachant que chaque jour qui passe l’accélère, comme le cancéreux sait qu’il fabrique peu à peu la bombe qui va détruire son organisme. »

Quelques récits accompagnent cette narration d’une captivité qui aurait dû conduire Manuel De La Escalera au poteau d’exécution. Des récits liés à cette captivité, quelques années plus tard, dans la prison de Burgos. De sobres portraits de camarades, d’amis, de proches. Avec, en contrepoint, un tableau effarant de la machinerie étatique mise en place par le Caudillo. La servilité de l’appareil judiciaire et la brutalité des chiens de garde. Aux finalités communes : détruire ce qui subsiste d’humanité en chacun des prisonniers. Lesquels n’ont dès lors d’autre recours que de préserver et de faire entendre dès qu’ils le peuvent leur liberté « intérieure ». Donc des textes qui avec tant de pudeur mettent en exergue la nécessité du combat contre la barbarie, contre toutes les barbaries. Une rencontre imprévue, certes, mais ô combien enrichissante.

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