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Lectures
3 janvier 2018

Si un inconnu vous aborde

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« Si un inconnu vous aborde »

KASISCHKE Laura

(Page à Page)

 

« Quand notre père perdit son passeport, nous dûmes le cacher. A ce moment-là, c’était plus facile qu’auparavant, avant que tant d’autres pères aient disparu. L’usine continuait de lancer ses coups de sifflet – une espèce de cri mécanique et programmé qui ne pouvait être étouffé – mais nous ne voyions plus jamais aucun père se rendre au travail d’un pas traînant. Cette migration antique et grise transportant sa boîte à déjeuner à travers les cendres était terminée. A présent, les rues n’étaient plus peuplées que de mères affolées, s’efforçant d’avoir l’air agréable, mais qui exhibaient des lèvres et des cernes cendrés. » (In « NOTRE PERE »)

Le Lecteur a parcouru d’une seule traite ce recueil de quinze nouvelles. Fasciné. Ebloui par cette exceptionnelle capacité de Laura Kasischke de parler de faits apparemment anodins mais susceptibles de devenir d’effarantes tragédies. Dans le contexte si peu fréquenté de vies d’hommes et surtout de femmes du peuple américain. De ce peuple américain méprisé par les élites, de ce peuple en très grande souffrance. Il n’est pas une seule de ces quinze nouvelles qui puisse laisser indifférent. Parfois si bouleversantes dans leur brièveté. Telles « Tu vas mourir » ou bien encore « Ca doit être comme ça, en enfer ».

Laura Kasischke est, sans aucun doute, une des plus belles rencontres littéraires qui soit advenue au vieux Lecteur en ce début de siècle (ses précédentes notes de lecture concernant cette Auteure en témoignent).

« Et durant tout ce temps, Greta n’oublia pas pour autant le don qu’elle avait et qu’elle n’utiliserait finalement que le jour où un tube serait enfoncé dans la gorge de sa belle-mère. Un œil mort, l’autre fixé sur Greta – les lèvres gercées qui s’ouvraient et se fermaient, la peau tachetée, les membres tout rentrés comme les branches d’un arbre terrible, alors Greta embrassa sa belle-mère sur le front, recula d’un pas et la regarda avant de prononcer la formule quatre fois tout bas, puis elle écouta. Un vent radieux tourbillonna autour de la femme décédée. Le son d’un bonheur reconnaissant. »

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