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Lectures
1 novembre 2017

Si rude soit le début

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« Si rude soit le début »

MARIAS Javier

(Gallimard)

 

La Guerre d’Espagne. Au filtre des mémoires. Quelques années après la mort de Franco. « Une guerre comme celle-ci est un stigmate qui ne s’efface pas en un siècle ou deux, Parce qu’on le retrouve en tout, il affecte et avilit toute chose. Il représente ce qu’il y a de pire… Il faudra des éternités pour oublier ce que nous sommes ou pouvons être… » Ainsi parle Eduardo Muriel, cinéaste espagnol dont la renommée à franchi les frontières en ces temps d’une dictature féroce. Juan de Vere, son jeune secrétaire particulier, l’écoute. Il s’insinue peu à peu dans les arcanes d’une histoire dont il devient le spectateur. Un film qui, en quelque sorte, se construit devant lui, dont il devient le scénariste. Le film qu’Eduardo Muriel ne tournera pas puisqu’il ne s’agit pas d’une fiction, mais de sa vie d’artiste et d’homme public, sa vie conjuguée à celle de Beatriz Noguera, son épouse. Une épouse haïe, rejetée, reniée, mais qui refuse de renoncer. Une épouse dont le jeune secrétaire s’approche avec une infinie prudence. Lui que son mentor introduit au sein d’une société intellectuelle qui s’était donné les moyens de survivre sous le règne de Franco et qui, le vieux dictateur décédé, s’empresse de récupérer les prébendes de ce qui prend les apparences de la démocratie.

Deux récits s’interpénètrent : celui d’une passion contrariée et cette histoire qui s’écrit dans l’Espagne toujours endolorie par les séquelles de la dictature. Avec ce personnage initialement « innocent », ce jeune secrétaire, à qui Muriel va progressivement révéler la multitude des secrets, ceux qui relèvent de l’intime greffés à ceux des crimes, des trahisons, des lâchetés, tout ce fatras auquel il semble malséant de faire référence. Ce qui donne un roman foisonnant, dans lequel le Lecteur s’égara parfois, mais qu’il parcourut avec l’irrépressible envie de connaître lui aussi ce qui peut concourir à éclairer des comportements humains parmi les plus abominables.

« La culpabilité l’emporte sur mon désir de m’amender, elle m’empêche même d’essayer, et tout ce que je puis espérer, c’est qu’elle disparaisse à la longue, qu’elle aille se perdre dans ces brumes où tout ce qui est jamais arrivé s’estompe, de fond dans un magma indistinct, le bon et l’ambigu, le contradictoire et le mauvais, les crimes et les faits héroïques, la malveillance et la générosité, la droiture et la tromperie, l’éternelle rancœur et le pardon extorqué à la victime épuisée, l’oubli de soi et la parole donnée, la sournoise exploitation d’autrui, tout cela sera soldé par un simple haussement d’épaules, condamné à être ignoré par ceux qui suivent et nous succèdent, préoccupés par leurs propres passions et ce qui leur suffit largement, indifférents à tout ce qui a pu survenir avant qu’ils ne foulent notre terre, sur laquelle ils ne feront que superposer l’empreinte de leurs pas sue celles de leurs innombrables prédécesseurs et semblables, sans savoir qu’ils ne font que les imiter et qu’il n’est rien de nouveau sous le soleil, rien qui n’ait été exploré… »

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