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Lectures
16 octobre 2017

Double nationalité

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« Double nationalité »

YARGEKOV Nina

(P.O.L.)

Le Lecteur fut secoué, retourné, tourneboulé, tant et tant qu’il faillit y perdre ses principaux repères. Repères géographiques d’abord. Une quasi amnésique arrive à Paris, en provenance de Yazigie, un minuscule pays a priori mal situé à l’ouest de l’Europe. Dans son sac, deux passeports : le français et la yazige. Donc, au terme d’une longue et patiente investigation – en particulier dans l’appartement qui semble être le sien – la conviction qu’elle est dotée d’une double nationalité. Dont la française à laquelle elle s’adapte au terme de longues et minutieuses recherches. Traductrice et interprète, elle s’installe dans une société lui offrant ce qui lui semble appartenir au plus élevé, au plus substantiel de l’humanité. Jusqu’au jour où quelques parlementaires ont l’idée saugrenue de proposer un texte de loi interdisant en ce beau pays la double nationalité. Pire encore : jusqu’au jour où l’assemblée nationale vote ce texte de loi. C’est décidé, la narratrice quitte la France. « Vous sortez votre valise et y remettez toutes les affaires que vous aviez en arrivant… Pour le reste, vous ne vous occupez de rien. Votre loyer ne sera pas payé, on videra votre appartement. Tout cela se fera sans vous. Vous hésitez un instant à rembourser à l’Etat français l’intégralité des allocations familiales que vos parents et vous-même avez perçues puis vous décidez que ce sera comme des dommages-intérêts pour le préjudice moral qu’elle vous a causé avec sa loi sur l’interdiction de la double nationalité. De la sorte, la France et vous, vous êtes quittes. Eh bien voilà, c’est la fin d’une histoire. Vous partez avec votre liberté. Vous ne vous agenouillerez devant personne. »

C’est en donc fini de la Lutringie (cette France immonde). Direction la Hongrie (ex Yazigie) et sa capitale Budapest. Un retour aux sources. Nantie de tous les avertissements peut-être nécessaires. Curieuse de renouer avec ses proches dont ce qui pourrait être une grand-mère. Se nourrissant, s’empiffrant de culture magyare. Revisitant ce qui fut l’histoire d’un Empire rendu aujourd’hui à la portion congrue. Se construisant à grand peine une nouvelle identité. Recherchant, derrière la laideur des modernités les splendeurs d’un autrefois en voie d’anéantissement « … vous ce que vous voulez c’est de la splendeur hongroise, de la splendeur lacérée, le reste n’est que mensonge… »

Et pourtant, les splendeurs elles aussi se fissurent, tombent en ruines. L’identité revendiquée n’est, là aussi, à Budapest, qu’un leurre. Là, comme sur les rives de Seine, un fascisme rampant, un fascisme honteux bouleverse la donne, renverse l’échelle des valeurs. Là se situe la substantifique moelle de ce roman qui parvint à déconcerter le (vieux) Lecteur. Un roman dans lequel il est nécessaire de s’immerger en ces temps de disette, de lâcheté, de renoncement intellectuels. Fusse au prix de quelques efforts. Même en pestant contre quelques redondances formelles. Ce livre est hors de prix. De prix littéraire bien entendu (même si lui fut attribué celui de Flore).

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