Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Lectures
22 juillet 2016

L'ange de l'oubli

Ange_de_loubli_HD_300x460

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« L’Ange de l’oubli »

HADERLAP Maja

(Métailié)

 

Rencontre fortuite mais dont il résulte un choc d’une extrême violence. Que surmonte le Lecteur, tant ce choc lui permit de se sortir d’une certaine torpeur. Voilà un livre qui l’accompagnera longtemps encore, un livre rare, un livre d’une stupéfiante et rassurante humanité. Livre, plus que roman ou récit autobiographique. Ecrit par une dramaturge autrichienne. Autrichienne par obligation, puisque ses « racines » plongent dans le terreau slovène, en Carinthie et que les slovènes de Carinthie n’eurent d’autre choix que de devenir autrichiens au cours des années qui suivirent la Seconde guerre mondiale. Parmi eux, la famille de l’Auteure. Dont sa grand-mère dont « la langue allemande ne lui vient qu’à grand-peine puisqu’elle est pour elle plus ou moins une langue des camps… » Des camps de concentration. Puisqu’une majorité de slovènes résista (alors qu’une immense majorité d’autrichiens s’enthousiasma pour la cause nazie) et que de nombreux résistants et leurs proches furent alors déportés.

Ce temps de l’Histoire, la narratrice le découvre par bribes, la plupart du temps lors d’évènements a priori anodins de la vie familiale. Elle qui n’est qu’autrichienne que par obligation, mais qui réussit, via un parcours scolaire et universitaire exemplaire, une sorte d’intégration. Dans une opposition larvée à son père, engagé chez les partisans dès l’âge de douze ans, et marqué à tout jamais par les horreurs auquel il se confronta. Avec l’assentiment de sa mère. Tout en préservant ses racines slovènes. Alors que dès la fin de la guerre, les slovènes appartiennent à deux entités distinctes : la petite minorité autrichienne en Carinthie et la grande majorité dans ce qui est devenu, sous la tutelle de Tito, la Yougoslavie.

Maja Haderlap n’a pas écrit un manuel d’histoire. Elle relate la déchirure, les déchirures et leurs cortèges de souffrances. A travers les personnages de son récit. Sa famille. Ses proches. Les gens de son environnement qu’elle côtoiera jusqu’à son admission à l’université de Vienne. Les confidences. Les récits héroïques qui font revivre l’épopée des partisans. Les trahisons. L’Autriche vaincue mais si peu et si mal dénazifiée.  La quête d’une identité. « Dans ce pays, me dis-je, le slovène est donc quelque chose d’indésirable, et je me décide pour ce qui est publiquement méprisé parce qu’à mes yeux et aux yeux de ceux avec lesquels je vis, cela a une importance et parce que pour la première fois je comprends ce que pourrait signifier le mot appartenance. »

Voilà un livre qui bien qu’arrivé de manière fortuite jusqu’au Lecteur se révèle dans son immédiate actualité tout autant que dans son universalité. Voilà un livre dont il ne faut pas hésiter à se saisir. Tant il aborde avec d’exceptionnelles qualités littéraires aux questions essentielles que pose l’actuelle évolution de l’Europe. « Je suis certaine que dans ce pays, c’est l’attitude par rapport au passé qui rend nos histoires familiales si étranges et les fait se dérouler dans un tel abandon et un tel isolement. Elles sont quasiment dépourvues de liens avec le présent. Entre l’histoire de l’Autriche telle qu’elle est proclamée et l’histoire effective s’étend un no man’s land où il y a de quoi se perdre. Je me vois aller et venir dans une petite cave sombre et oubliée de la maison d’Autriche et ses vastes espaces clairs et richement décorés. Dans ces pièces claires, personne ne semble soupçonner ou pouvoir imaginer qu’il y a dans cette bâtisses des êtres que la politique a enfermés dans la cave du passé, où ils sont assaillis et empoisonnés par leurs propres souvenirs. »

Publicité
Publicité
Commentaires
Lectures
Publicité
Publicité