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Lectures
21 mars 2016

L'Imposteur

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« L’Imposteur »

CERCAS Javier

(Actes Sud)

 

« Don Quichotte et Marco ne sont pas deux romanciers frustrés : ils sont deux romanciers d’eux-mêmes… » Cercas aurait pu ajouter un troisième prénom, le sien, Javier. Tant il est apparu évident au Lecteur que le principal personnage de ce roman n’est pas, au bout du compte, l’Imposteur, Enric Marco, mais bel et bien Javier Cercas lui-même. Cet écrivain reconnu auquel l’Imposteur balance au cours d’une conversation fictive : « Je vous tenais en meilleure estime quand je ne vous connaissais pas, quand je ne faisais que vous lire. » Fiction ? Réalité ? Enric Marco fut bel et bien un Imposteur, faux résistant au franquisme, faux anar, faux déporté, mais qui était parvenu à faire croire dans l’Espagne postfranquiste qu’il avait été tout cela. Javier Cercas est-il un romancier donc, et d’une certaine manière, un Imposteur ? L’Ecrivain ne répond pas à cette question-là. Il esquive. Il se dissimule derrière la personnalité d’Enric Marco, le vrai Imposteur auquel il voue peut-être respect et admiration. Il enquête, ou il feint d’enquêter. Il associe ses proches à ses recherches, dont son fils qui filme les interviews de l’Imposteur. Il cherche à comprendre. A comprendre Enric Marco ou Javier Cercas ? Le premier, bien évidemment, si le Lecteur s’en tient à l’espace qu’Enric Marco occupe dans le roman. Mais l’histoire de l’Imposteur, le faux anar, le faux déporté, fut rendue publique par d’autres, dont un historien dont l’intervention évita aux autorités « démocratiques » espagnoles de sombrer dans le ridicule.

De fait, le vrai et seul sujet de ce roman est celui de la création littéraire. Les multiples références (entre autres) à Cervantès et à Flaubert en font foi. Etait-il nécessaire d’introduire l’Imposteur dans cette réflexion sur les contours souvent flous de la fiction ? Le Lecteur n’en est pas convaincu. Même s’il prit du plaisir à découvrir comment Enric Marco sut se transformer en un personnage de roman, à devenir un anar et un déporté crédibles dans un pays, il est vrai, incapable de solder les pages les plus noires de son histoire « immédiate ».

« Un livre peut-il réconcilier un homme avec la réalité et avec lui-même ? La littérature peut-elle sauver quelqu’un ou est-elle aussi impuissante et aussi inutile que tout le reste, et l’idée qu’un livre puisse nous sauver est-elle ridicule et surannée ? Cervantès a-t-il sauvé Alonso Quijano, et en le sauvant s’est-il sauvé lui-même ? Est-ce que je veux me sauver moi-même en sauvant Enric Marco ? Je l’admets : toutes ces questions sont ridicules, surannées et insensées, et le simple fait de les avoir formulées devrait me faire honte. Et j’ai honte. Mais, pourquoi mentir, en même temps je n’ai pas honte. Je n’ai pas honte du tout. Parce que, ici et maintenant, je ne vois pas de meilleure manière de dire Non. Non à tout. Non à tous. Non, surtout, aux limites de la littérature, à sa misérable impuissance et à son inutilité ; parce que oui, je le pense : si la littérature peut servir à sauver un homme, honneur à la littérature ; si la littérature ne sert que d’ornement, merde à la littérature. »  Là, le Lecteur ne peut qu’exprimer son plein accord.

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