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Lectures
8 janvier 2016

Eden utopie

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« Éden Utopie »

HUMBERT Fabrice

(Gallimard)

 

Le Lecteur ne formulera pas d’opinion « objective » sur ce roman. Pour une raison facile à comprendre : le sujet que traite Fabrice Humbert lui est trop proche, s’inscrit de manière quasi constante dans son propre vécu. Non seulement en raison du fait qu’il narre un temps long de l’Histoire, ce temps commun, à défaut d’avoir été partagé, aux principaux personnages et à lui, le Lecteur, auquel il advient parfois de tenter d’établir un bilan de sa propre existence et de sa relation avec celles et ceux qui partagèrent ses engagements.

Un roman ? Il est loisible de s’interroger. Tous les personnages ont vécu, vivent encore pour certains d’entre eux. Les anonymes comme les personnalités qui jouèrent un rôle politique, social, culturel durant toutes ces années-là. Mais des personnages « réels » qui acquièrent, de par leur mise en scène par Fabrice Humbert, l’aspect « fictionnel » qui les transcende. « Les célèbres et les puissants, si menacée, si fragile et éphémère que soit cette puissance, sont la matière de l’Histoire et ils se meuvent mal dans la fragile dentelle de la littérature. Toutefois, comme l’Histoire et la littérature, récits de la vie des hommes, partagent certaines frontières, disons que je vais tenter de raconter cette histoire de la fraternité. »

La fraternité. Ou plus exactement : la Fraternité. Une aventure collective qui débute au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Une aventure à laquelle contribuent des protestants et au cœur de laquelle ne se rencontrent que des protestants. Une aventure aux vocations sociales, culturelles. Très peu ou pas de prosélytisme. Des gens bien établis et des familles modestes. Les questions religieuses se traitent au temple. On se rassemble à la Fraternité pour partager les biens de la vie ordinaire. Avec tout ce qu’il faut d’esprit militant.

C’est de la Fraternité que vont émerger ceux plus que celles qui deviendront les moteurs de nouvelles formes d’engagement. Politique et syndical. PSU (avant de glisser vers le PS) et CFDT. De Rocard et de Maire (Edmond) en Mitterrand. D’activités subalternes jusqu’à la direction de grandes entreprises publiques. Mais toujours avec le sens du Bien Public. Jusqu’à l’irruption de la troisième génération (celle qui vécut mai 68) issue de la famille à laquelle appartient Fabrice Humbert. Une famille qui conjugue les extractions bourgeoises et prolétaires. La troisième génération va, elle aussi, perpétuer l’engagement militant. En le radicalisant. Jusqu’à s’arrimer aux marges d’Action Directe, avec toutes les conséquences dramatiques liées à cette forme d’engagement-la.

A travers ce roman, le Lecteur a revécu l’essentiel de son existence. Dans les proximités avec les personnages les plus proches du militantisme politique et syndical classiques. Dans les utopies parfois partagées et avec ce désir, cette farouche volonté de changer le monde. Dans son incompréhension et son incrédulité face aux formes radicales d’action adoptées par celles et ceux qui furent trop jeunes pour avoir vécu pleinement mai 68.

Le Lecteur ne se hasardera pas à résumer le roman. Il est en effet essentiel à ses yeux que celles et ceux qui s’y insinueront ne soient pas pervertis par d’intempestifs raccourcis. L’important lui paraît se situer ailleurs, dans cette approche intelligente et lumineuse d’hommes et de femmes qui, génération après génération, vécurent leur engagement en s’évertuant à ne pas (trop) se renier. D’où la proximité qu’il évoqua dans son premier paragraphe. Y compris lorsque survient l’éveil (le réveil ?) de la conscience et que le doute s’installe en elle. « C’est ainsi que chacun s’enfermait dans les rôles, les mensonges d’un monde factice : la vié était un écran de cinéma où chacun se voyait scintiller et imaginait des actes toujours plus atroces pour poursuivre le scintillement. Certains voulaient crever la toile de l’écran : mais comment faire quand chacun croit au film ? »

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