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Lectures
23 décembre 2015

La clarinette

la_clarinette

 

 

 

 

 

 

 

 

« La clarinette »

ALEXAKIS Vassilis

(Seuil)

 

Deux univers se meurent. Une longue, une très longue amitié, celle que l’Auteur a noué avec Jean-Marc Roberts, écrivain lui aussi mais surtout éditeur d’Alexakis (Stock). La Grèce, terre natale de l’Ecrivain, terre qu’il déserta pour s’installer en France en ces lointaines années de la dictature des colonels. Ce sont ces deux longues agonies qu’il raconte dans « La clarinette ». Deux moments infiniment douloureux comme pris dans un seul et même mouvement. Avec, en filigrane, l’interrogation constante sur l’identité. La française, que Jean-Marc Roberts l’a aidé à construire en lui permettant de trouver sa place au sein des espaces littéraires de son pays d’accueil. La grecque, où il dispose d’un chez lui, où vit encore une partie de ses proches, où il traduit dans sa langue maternelle un de ses romans qui fut d’abord publié en français.

Le Lecteur, lui, n’a entretenu que de très vagues et très frileuses relations littéraires avec Jean-Marc Roberts. Ce qui ne l’a nullement empêché de se laisser prendre par le récit d’une mort annoncée, alors que celui qui sera le survivant accompagne son ami dans un cheminement inexorable. Mieux encore, au-delà de la mort, le dialogue ne s’interrompt pas. Alexakis s’adresse à son ami. Pour évoquer son travail d’écrivain. Pour parler de leurs amis communs. Mais aussi pour lui communiquer quelques échos de ce qu’il advient à la Grèce d’avant Tsipras et Syriza (le roman s’interrompt le 28 novembre 2014). Une infinie pudeur. Beaucoup de retenue. Le tout dans une langue maîtrisée. « La clarinette » a plus qu’ému le Lecteur. Ce vrai faux roman chante l’amitié et la fidélité.

« Je ne pouvais pas m’en aller sans te saluer. Après avoir pris congé de Sandra, je suis donc retourné à ta chambre. Là j’ai réalisé que notre amitié méritait mieux qu’un au revoir ; alors j’ai décidé de prendre mon temps. J’ai ouvert en grand la fenêtre, j’ai repris ma place dans le fauteuil et j’ai allumé ma pipe. Je n’ai pas arrêté de fumer pendant la demi-heure qu’a duré notre tête-à-tête, j’ai fumé pour deux en somme. Le tabac mais également la sérénité de ton expression ont fini par me calmer complètement : je veux dire que notre dernière conversation n’a pas été très différente de celles que nous avions déjà eues par le passé. Je suis remonté loin en arrière, à notre première rencontre au café de Cluny quand tu avais l’âge de ta photo et moi celui d’un jeune père. Je t’ai remercié de m’avoir fait confiance dès le début, de m’avoir convaincu aussi que douter de soi n’est pas forcément un inconvénient quand on aspire à ce métier. Sans ton assentiment et ton soutien, peut-être n’aurais-je jamais renoncé au journalisme, qui fut mon premier métier, pour ne plus écrire que des récits imaginaires. Tu as été le parrain de ma liberté en quelque sorte, car écrire est la meilleure façon de faire usage de son imagination. »

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